Opinions

Ne laissons pas le climat américain d’inquisition s’installer au Québec

18 avril 2023

Les membres du comité pour la diversité sexuelle et l’identité de genre (CDSIG) de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) ne peuvent que s’inquiéter de la prolifération des initiatives visant à criminaliser les représentations de la diversité sexuelle au sud de notre frontière. De fait, les projets de loi se multiplient pour légiférer sur la présence (voire, la seule mention) de personnes de la diversité sexuelle et de genre dans des espaces éducatifs. Dans la même veine, une enseignante floridienne ne peut pas parler d’homosexualité en classe et bientôt, des bibliothécaires du Texas pourraient être passibles de prison pour avoir fait la promotion de livres prônant la diversité sexuelle et de genre.

C’est dans ce contexte que notre comité a accueilli avec satisfaction l’adoption récente d’une motion unanime à l’Assemblée nationale visant à protéger les artistes drags de l’intimidation et du harcèlement pour leur participation à des activités de lecture pour enfants.

Une récupération politique honteuse

Jusqu’à tout dernièrement, bien que des groupuscules relaient ici aussi des discours haineux visant la diversité de genre sous prétexte de vouloir protéger nos enfants, nous pouvions nous différencier des États-Unis en soulignant que ces discours ne trouvaient pas ici de relais politiques. C’était sans compter sur la récupération politique d’Éric Duhaime. Ainsi, le chef du Parti conservateur du Québec n’a pas perdu de temps pour lancer une pétition afin de réclamer que le gouvernement cesse de financer des activités exposant les enfants à des drag-queens. Ce racolage auprès des milieux complotistes de même que cette tentative de fédérer politiquement divers groupes haineux illustrent bien le climat d’affolement qui semble régner au sein du Parti conservateur du Québec.

Faire confiance au personnel de l’éducation

Bien plus qu’une question de politique partisane, ce sont aussi l’expertise et le jugement du personnel de l’éducation qui sont mis à mal. Lors de son passage à l’émission Tout le monde en parle, Barbada, alliée de longue date de la CSQ, a rappelé, encore une fois, qu’elle avait un brevet d’enseignement et que, comme tant d’autres drag-queens et drag-kings, elle savait faire la différence entre un spectacle de cabaret et une activité d’éveil à la lecture.

Au-delà de Barbada, il est important de réitérer notre confiance en l’expertise des personnes spécifiquement formées pour animer et gérer nos espaces éducatifs. Bibliothécaires, responsables de services de garde éducatifs, personnes intervenantes en petite enfance, éducatrices et éducateurs spécialisés, personnel d’enseignement et de soutien scolaire, bref, l’ensemble des personnels de notre réseau d’éducation public sont des personnes expérimentées et compétentes qui savent très bien tracer la limite entre rentrer dans la gorge des idéologies et des valeurs morales et faire l’éducation à l’ouverture, au respect et à la tolérance – toutes des compétences sociales et citoyennes qui seront inestimables et précieuses pour la prochaine génération. Ce sont ces personnes qui font de l’école québécoise un environnement juste où chaque personne trouve sa place, peu importe son orientation sexuelle ou son identité de genre.

Nous avons la certitude qu’une société où nos jeunes garçons seraient habiles à exprimer leurs émotions, nos jeunes filles à croire en elles, et tous nos jeunes à se poser les questions qu’iels désirent, bref, une société avec une petite dose de paillettes ne se porterait que mieux. Et si ça passe par des artistes en costumes flamboyants pour le faire, réjouissons-nous; il pourrait y avoir des moyens beaucoup plus ennuyeux pour stimuler la littératie chez nos jeunes.

Pour nous, il va sans dire que l’école publique québécoise en est une d’inclusion, de tolérance et d’ouverture.

Une pétition circule présentement pour que soit maintenue l’activité L’heure du conte animée par une drag queen.

Le comité pour la diversité sexuelle et l’identité de genre (CDSIG) de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ)*

Amélie Fauchon, enseignante en francisation et mère
Anne-Valérie Savage, ergothérapeute et mère
Renée Dufour, conseillère pédagogique, retraitée, mère et grand-mère
Marc Pepin, conseiller pédagogique au collégial et père
Steeve Loisel, animateur de vie spirituelle et d’engagement communautaire (AVSEC)
Anne Dionne, vice-présidente CSQ et mère

*Le Comité pour la diversité sexuelle et l’identité de genre (CDSIG) a pour mission de s’assurer de la prise en compte de la situation, des préoccupations, des droits et des aspirations des membres gais, lesbiennes, bisexuels, transgenres, transsexuels et intersexuels aux orientations et aux pratiques de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et de ses organismes affiliés.