Travail

Entretien (d’embauche) avec une IA

8 mai 2025

On le sait, les outils d’intelligence artificielle (IA) sont de plus en plus incontournables. Chaque jour apporte son lot de nouvelles d’organisations qui implantent des outils d’IA dans leurs stratégies ou dans un domaine ou un autre de leurs relations avec leurs clients. De temps à autres, certaines utilisations de l’IA ont de quoi nous laisser pantois, particulièrement en ce qui a trait à la gestion des ressources humaines!

Par Félix Cauchy-Charest, conseiller CSQ

Ressources humaines?

Des employeurs ont pris la parole récemment, s’inquiétant de voir les personnes candidates avoir recours à des outils comme Chat GPT afin de rédiger des curriculum vitae enjolivés ou trompeurs, si bien qu’un marché émergeant de logiciels de détection est en train d’émerger. Toutefois, les employeurs ont eux-aussi leur part de responsabilité dans l’utilisation de l’IA.

Même le gouvernement du Canada l’intégration d’une personne dans une équipe de travail et les organisations ont tout à gagner que le tout se fasse avec transparence et rigueur.

Pourtant, une tendance vers la gestion des ressources humaines par l’IA semble émerger, particulièrement chez nos voisins du Sud. Des vidéos TikTok exposant des processus d’entrevue entièrement générés par IA sont devenues virales dans les derniers jours sur la plateforme. Ces vidéos complètement dystopiques montrent des personnes candidates aux prises avec des robots recruteurs complètement bogués et dénoncent le manque de respect flagrant des employeurs ayant recours à ces outils pour conduire leurs entretiens d’embauche. (voir les vidéos, en anglais seulement). On se croirait dans un mauvais épisode de la série Black Mirror non?

Des risques à utiliser l’IA pour l’embauche

« Heureusement, tout cela se passe aux États-Unis, vous  direz, aucune chance que ça n’arrive ici, au Québec. » Vraiment? En fait, des plateformes comme Indeed ont déjà commencé à proposer des outils d’IA pour rédiger des offres d’emploi. La plateforme Isarta a lancé une IA en 2024 pour « simplifier le tri des candidatures et des CV »  et le journal Les affaires nous apprenait, en février dernier, que les employeurs ont de plus en plus recours à l’IA dans les processus d’embauche. Avant que votre CV ne puisse se retrouver entre les mains des employeurs, il doit passer par le filtre de l’algorithme (utilisation des mots-clés appropriés, profil type, vocabulaire spécialisé, etc.).

Or, les outils d’embauche « intelligents peuvent introduire des biais racistes ou sexistes dans les processus d’embauche des organisations, ce qui est contraire aux chartes canadienne et québécoise. Oubliez la perle rare qui se cachait dans une pile de C.V., les outils d’IA standardisent le processus de tri à partir de critères prédéterminés qui se renforcent au fur et à mesure que l’outil « apprend » à force de trier des candidatures. Un article de Radio-Canada nous explique le cas de figure d’Amazon qui utilisait un outil entraîné sur une banque d’anciens candidats majoritairement masculins, ce qui a fait en sorte qu’il s’est mis à discriminer les candidatures féminines. La Charte québécoise des droits et libertés interdit l’utilisation de critères comme le sexe, l’âge ou l’appartenance ethnique dans un processus d’embauche. Cette interdiction s’applique également à un système automatisé fonctionnant à partir de l’IA.

Cependant, il peut être très difficile de repérer les biais discriminatoires générés par l’IA. À défaut d’adapter notre règlementation en la matière, le recours à ces outils pourrait permettre aux organisations de simplifier le processus de recrutement et d’y consacrer moins d’humains, ce qui leur coûte moins cher dans l’immédiat. Par contre, à trop vouloir épargner en amont, cela pourrait leur coûter plus cher en aval. Il serait probablement plus avisé de remettre l’humain, et ses droits, au cœur des ressources humaines.