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Comment reconnaitre et prévenir les microagressions?

23 novembre 2023

Se faire dire qu’on est compétente « pour une femme » ou qu’on est « trop agressive » quand on s’exprime constitue des microagressions. Dans le cadre de la campagne des 12 jours d’action contre la violence faite aux femmes, du 25 novembre au 6 décembre, Ma CSQ cette semaine s’est entretenue avec la conseillère à l’action féministe à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Julie Pinel, afin de démystifier ce phénomène. 

Ma CSQ cette semaine (MCCS) : Comment définit-on ce qu’est une microagression? 

Julie Pinel (JP) : C’est un échange qui peut paraitre anodin, mais qui envoie un message dénigrant à une personne en raison de son appartenance à un groupe. Les personnes les plus susceptibles d’en subir sont généralement issues de groupes marginalisés, comme les femmes, les membres de la diversité sexuelle et de genre et les personnes racisées.

Si on dit qu’elles sont « micro », ce n’est pas parce qu’elles sont petites ou de moindre importance, mais plutôt parce qu’elles ont lieu entre individus, à l’échelle des relations humaines.

Les personnes victimes de microagressions de façon régulière, au travail par exemple, voient leur charge émotionnelle augmenter. Elles ont tendance à être davantage sur la défensive face aux préjugés et cela peut entrainer des conséquences sur leur santé mentale et physique et sur leur bienêtre et leur capacité à fonctionner au travail.

MCCS : À quoi peuvent ressembler les microagressions?

JP : Il en existe différentes formes. Il y a d’abord les microagressions verbales, comme les commentaires qui suggèrent que les femmes sont intrinsèquement moins compétentes ou moins intelligentes que les hommes. Par exemple, un homme qui dit à une collègue : « Tu es compétente pour une femme ». Ce peut être également un commentaire de nature dégradante ou sexuelle, même s’il s’agit d’une vague insinuation, ou encore une remarque au sujet du ton de voix utilisé, par exemple dire à une collègue qu’elle est trop agressive ou trop émotive.

Il y a aussi les microagressions comportementales, comme le mansplaining (mecsplication), c’est-à-dire lorsqu’un homme explique quelque chose à une collègue en supposant que son interlocutrice en connait moins que lui sur le sujet. Poser des gestes intrusifs, comme toucher les cheveux ou le dos d’une femme sans lui avoir demandé la permission, ou faire des demandes inappropriées et les justifier par des stéréotypes, comme demander à une collègue de préparer la salle de réunion ou de faire le café tout en invoquant le fait « qu’elle est meilleure dans ce genre de choses », constituent également des microagressions comportementales. 

Finalement, il y a aussi les microagressions environnementales, comme ne pas embaucher de femmes ou faire preuve d’iniquité salariale pour un travail égal. 

MCCS : Pourquoi les microagressions sont-elles néfastes? 

JP : Elles sont néfastes parce qu’elles renforcent les inégalités et les préjugés. Elles créent un environnement de travail hostile où les victimes se sentent dévalorisées. Les recherches démontrent que les microagressions entrainent de graves conséquences sur la santé mentale. Les personnes qui en subissent peuvent ressentir du stress, de l’anxiété, de la dépression, de la colère, ce qui peut diminuer leur productivité au travail et causer un épuisement professionnel.

MCCS : Que peut-on faire pour prévenir les microagressions en milieu de travail?

JP : Il faut apprendre à reconnaitre nos propres préjugés. Tout le monde a des biais cognitifs et personne n’est à l’abri d’une parole malheureuse. On peut toutefois porter attention à nos paroles et ne pas réagir sur la défensive si une personne fait une remarque sur notre comportement. Il faut faire preuve d’écoute et de respect envers une personne qui fait part de son point de vue et croire ce qu’elle raconte.

En milieu de travail, les patrons ont aussi un rôle à jouer. Ils peuvent créer une culture d’ouverture en donnant l’exemple, en encourageant les membres de leur équipe, en particulier ceux qui ne s’expriment pas souvent, à communiquer leurs idées.

Mettre en place une politique claire pour faire face aux microagressions en milieu de travail indique aussi au personnel que le phénomène est pris au sérieux. Lorsqu’une personne signale une microagression, il faut reconnaitre la gravité de la situation et lui assurer qu’elle est en sécurité.

MCCS : Comment réagir si on est témoin d’une microagression?

JP : Il faut d’abord observer si la remarque désobligeante ou le geste posé envers la personne a également suscité de l’inconfort chez elle ou chez d’autres témoins. Le ressenti qui n’est pas partagé par d’autres n’est pas moins juste et vrai, mais il ne faut pas non plus verser dans l’extrême et croire que l’on en sait davantage que la personne concernée.

On peut tenter une approche auprès de la victime ou de la personne qui a commis la microagression, ou encore se tourner vers une personne susceptible de pouvoir nous aider dans notre démarche, par exemple notre supérieure ou supérieur immédiat.

Il faut garder en tête que chaque situation est unique et il faut faire preuve de jugement et d’empathie. 

Pour aller plus loin

La CSQ propose un dossier complet sur les microagressions. Celui-ci peut être consulté en ligne.