Les microagressions en milieu de travail

 

Se faire dire qu’on est compétente pour une femme, qu’on est agressive quand on s’exprime, se faire expliquer des choses que l’on sait déjà ou se faire toucher les cheveux ou le dos sans permission constituent des microagressions.

 

Au travail, les personnes qui en subissent peuvent ressentir davantage de stress, d’anxiété et de colère, ce qui peut affecter leur productivité et mener jusqu’à un épuisement professionnel.

 

Comment agir pour prévenir ce phénomène en milieu de travail? Tour d’horizon.

  • Qu’est-ce que les microagressions?

    Ce sont de brefs échanges quotidiens, souvent subtils, qui envoient des messages dénigrants à certaines personnes en raison de leur appartenance à un groupe. On dit qu’elles sont « micro », non pas pour dire qu’elles sont petites ou de moindre importance, mais plutôt pour signifier qu’elles ont lieu entre des individus, à l’échelle des relations humaines.

    Bien que certaines microagressions puissent être faites de manière systémique, ce sont généralement des comportements discriminatoires ayant lieu entre deux individus, ou en petits groupes.

  • Qui sont les personnes les plus susceptibles d’en subir?

    Les personnes issues de groupes généralement marginalisés, tels que les femmes, les personnes de la diversité sexuelle et de genre et les personnes racisées sont plus susceptibles de subir des microagressions. Ces comportements peuvent sembler anodins, être invisibilisés ou banalisés, mais ils contribuent à créer un environnement hostile, violent et aliénant pour les personnes qui en sont victimes, même s’ils n’ont pas été faits de manière mal intentionnée.

    Dans une perspective féministe intersectionnelle et antiraciste, on reconnaît que les personnes peuvent faire face à plusieurs formes de marginalisation simultanément, basées sur des facteurs tels que le genre, la race, la classe sociale, l’orientation sexuelle, etc. Ainsi, les microagressions peuvent se manifester de manière complexe, en interagissant avec ces différentes dimensions de l’identité.

    La récurrence, très souvent quotidienne, de ces expériences négatives augmente la charge émotionnelle. Les personnes visées par les microagressions ont tendance à être davantage sur la défensive face aux préjugés et cela peut entraîner des conséquences sur leur santé mentale et physique, autant que sur leur bien-être et leur capacité de fonctionner au travail.

  • Quelles sont les différentes formes de microagressions en milieu de travail?

    Il existe différentes formes de microagressions. Elles peuvent être verbales, comportementales ou environnementales.

    Voici plusieurs exemples de microagressions verbales :

    • Émettre un commentaire qui suppose que les femmes sont intrinsèquement moins compétentes que les hommes, par exemple : « Tu es très compétente pour une femme. »
    • Complimenter une personne non blanche sur sa maîtrise du français ou de l’anglais, ce qui suppose qu’elle n’est pas née ou qu’elle n’a pas grandi au Québec.
    • Dire à une personne qu’elle n’a pas l’air trans ou homosexuelle.
    • Mégenrer volontairement quelqu’un ou éviter d’employer ses pronoms choisis.
    • Utiliser des mots insultants ou violents, comme le mot en « n » en s’adressant ou en référant à une personne noire.
    • Poser des questions intrusives sur la vie personnelle ou la religion d’un collègue.
    • Démontrer ouvertement notre surprise lorsqu’une information heurte nos préjugés, par exemple manifester notre étonnement lorsqu’un collègue à mobilité réduite nous dit qu’il est en couple.
    • Émettre un commentaire de nature dégradante ou sexuelle, même s’il s’agit d’une vague insinuation.
    • Faire des remarques au sujet du ton de voix qu’utilise une collègue pour s’exprimer, par exemple dire à une femme noire qu’elle est « trop agressive » lorsqu’elle s’affirme.

     

    Voici plusieurs exemples de microagressions comportementales :

    • Faire du « mansplaining » (ou mecsplication). Il survient lorsqu’un homme explique quelque chose à une femme sans que cette dernière lui ait demandé, car il suppose que son interlocutrice en connaît moins sur le sujet que lui.
    • Couper la parole, parler plus fort, reprendre une idée qui vient d’être dite pour en faire la sienne dans un contexte de travail d’équipe.
    • Poser un geste intrusif, comme toucher les cheveux d’une personne racisée, le dos d’une femme ou une autre partie du corps sans d’abord avoir demandé la permission.
    • Faire des demandes inappropriées et les justifier par des stéréotypes, par exemple un homme qui demande à sa collègue féminine de faire le café, de préparer la salle pour les réunions, de répondre au téléphone, de prendre les notes sans que ce soit dans sa description de tâches, tout en invoquant le fait qu’elle « est meilleure dans ce genre de chose ». Ces demandes reproduisent les stéréotypes sexistes au sein du milieu de travail.
    • Affirmer que l’on ne voit pas la couleur ou l’orientation sexuelle de quelqu’un. Cela contribue à nier l’identité et le vécu des personnes qui vivent de l’oppression.

     

    Voici plusieurs exemples de microagressions environnementales (discrimination systémique) :

    • Ne pas embaucher de femmes, de personnes racisées, de personnes handicapées, de personnes ayant des signes religieux, etc.
    • Ne pas considérer les personnes vivant à la croisée des oppressions (racisme, sexisme, etc.) pour des postes de direction.
    • Ne pas assurer l’accessibilité des personnes handicapées au bureau et à des activités professionnelles.
    • Faire preuve d’iniquité salariale pour un travail égal.
  • Pourquoi les microagressions sont-elles néfastes?

    Les microagressions sont insidieuses et elles renforcent les inégalités et les préjugés. Si rien n’est fait pour les contrer, elles créent un environnement de travail hostile où les individus appartenant à des groupes marginalisés se sentent mal à l’aise et dévalorisés.

     

    Les recherches indiquent que les microagressions sont aussi néfastes que la discrimination manifeste à long terme. En effet, elles entraînent de graves conséquences sur la santé mentale et le bien-être des personnes qui en sont victimes sur une base régulière.

     

    Les recherches démontrent que les personnes victimes de microagressions peuvent ressentir davantage de stress, d’anxiété, de dépression et de colère, ce qui peut diminuer leur productivité au travail et causer un épuisement professionnel.

  • Comment agir pour prévenir les microagressions en milieu de travail?

    Voici quatre mesures à prendre pour combattre les microagressions et créer un milieu de travail plus inclusif.

    1. Reconnaître ses préjugés

    Tout le monde possède des biais cognitifs et des préjugés et personne n’est à l’abri d’une parole malheureuse. Il est parfois difficile de reconnaître ses propres préjugés, car ils sont généralement inconscients. Il existe toutefois des outils qui peuvent aider, comme porter attention à ses paroles et ne pas réagir sur la défensive si quelqu’un fait une remarque sur notre comportement.

    2. S’éduquer

    Il est très important de faire ses propres recherches au lieu de demander aux personnes faisant partie de groupes marginalisés d’expliquer les choses. Ce n’est pas à elles de faire l’éducation des autres gratuitement.

    S’informer sur les expériences des communautés marginalisées et être créatif dans ses recherches est un bon moyen de s’éduquer. Il existe une tonne d’informations sur ces questions, sous la forme de livres, de balados, d’émissions, de conférences, etc. Plus on en apprend, moins les stéréotypes risquent de nous influencer.

    Cette éducation peut également prendre la forme de formations offertes par le milieu de travail. Idéalement, tout le monde devrait avoir accès à ces informations importantes.

    3. Écouter les personnes marginalisées

    Les patrons peuvent créer une culture d’ouverture en donnant l’exemple, en encourageant les membres de leur équipe, en particulier ceux qui ne s’expriment pas souvent, à communiquer leurs idées. Ils doivent aussi les écouter activement et faire preuve d’empathie. Si une personne décourage les autres à s’exprimer, les patrons doivent intervenir. Une personne est plus susceptible de s’ouvrir si elle sent qu’elle peut le faire sans crainte d’être punie ou humiliée.

    Les collègues, quant à eux, doivent également écouter respectueusement une personne qui fait part de son point de vue et croire ce qu’elle raconte, sans être sur la défensive.

    4. Mettre en place (ou exiger) une politique claire pour faire face aux microagressions

    Lorsqu’il existe un processus formel de réaction face aux microagressions dans un milieu de travail, cela indique au personnel que le phénomène est pris au sérieux.

    Lorsqu’une personne signale une microagression, il faut d’abord reconnaître la gravité de la situation et lui assurer qu’elle est en sécurité et qu’elle aura du soutien dans cette situation.

  • Comment réagir si on est témoin d’une microagression?

    Il est difficile de donner une solution unique pour les différentes formes de microagressions. Toutefois, les personnes qui ressentent un inconfort à la suite d’un geste observé ou d’une remarque désobligeante doivent d’abord observer si le sentiment est partagé par la personne visée ou par d’autres témoins.

    Le ressenti non partagé n’en demeure pas moins juste et vrai; il ne faut toutefois pas verser dans l’extrême et croire que l’on en sait davantage que la personne concernée sur son oppression.

    Chaque situation est unique et il faut faire preuve de jugement et d’empathie. La nature des relations entre collègues étant différente dans chaque organisation et dans chaque équipe, il revient à chacune et chacun de choisir les stratégies nécessaires pour gérer la situation.

    Une approche auprès de la personne victime ou de la personne qui a commis la microagression peut également être faite. Au besoin, il est possible de se tourner vers une personne susceptible de nous soutenir dans notre démarche. Ce peut être une tierce personne, comme la supérieure ou le supérieur immédiat ou la personne responsable des ressources humaines. Elle pourra offrir des conseils sur la meilleure stratégie à adopter ou intervenir pour ou avec nous.

  • Y a-t-il des ressources disponibles?

    Voici quelques ressources pour en savoir plus sur le sujet :