Santé et sécurité au travail

Violence à l’école : «N’acceptez pas l’inacceptable!»

16 novembre 2023

Le 6 novembre dernier, Radio-Canada diffusait un reportage abordant les évènements ayant mené à la fermeture de deux classes d’une école primaire de Saint-Jean-sur-Richelieu : des enseignantes, après avoir subi 50 incidents d’agression physique et verbale en quelques semaines seulement, ont invoqué leur droit de refus. Qu’est-ce que ce droit et que permet-il? 

Par Audrey Parenteau, rédactrice en chef

« Une personne a le droit de refuser de travailler si elle constate l’existence d’un danger ou si elle a un motif raisonnable de croire à l’existence d’un danger qui menace sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique, ou encore celles d’une autre personne », explique Marc Gagnon, conseiller en santé et sécurité du travail à la Centrale des syndicats du Québec (CSQ).

« Quand on parle de danger, on parle de la possibilité certaine d’avoir un accident de travail. Si on fait le lien avec les situations de violence en éducation, on peut exercer notre droit de refus si on a véritablement l’impression que l’on va subir un geste de violence si on exerce notre travail », précise le conseiller.

C’est d’ailleurs cette disposition de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) qu’ont invoquée les enseignantes de l’école de Saint-Jean-sur-Richelieu. Au moment où elles ont refusé d’enseigner, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a été appelée sur les lieux.

Selon le rapport de la CNESST, dont fait mention Radio-Canada dans son reportage, l’inspecteur dépêché sur place a constaté que « 14 enfants, répartis dans les deux classes de première année, manifestent des comportements de violence envers le personnel ». Ces élèves frappent, mordent, lancent des objets, menacent et fuguent, selon l’inspecteur, qui a finalement décidé de fermer les deux classes. Une telle décision s’est rarement vue dans le milieu de l’éducation.

Une question de perception

Dans la disposition sur le droit de refus, « la notion de motif raisonnable est importante puisque cela dépend de la personne. Une travailleuse ou un travailleur peut avoir un motif raisonnable de croire à la présence d’un danger, alors qu’une autre personne, qui vit la même situation, peut avoir une perception tout à fait différente », explique Jérôme Bazin, aussi conseiller en santé et sécurité du travail à la CSQ.

Il précise que, même si les perceptions d’une même situation diffèrent, cela ne rend pas l’exercice du droit de refus illégitime pour un et légitime pour l’autre. « Ce qui est important de prendre en considération, c’est que la personne qui invoque son droit de refus croit réellement qu’il y a un danger si elle exerce son travail », dit-il.

Selon Marc Gagnon, avant d’exercer son droit de refus, il faut prendre en considération les conditions de travail : « Est-ce qu’on est en présence de conditions de travail anormales pour le métier ou la profession? Est-ce que le risque ou le danger fait partie du travail? Est-ce que toutes les mesures nécessaires ont été mises en place pour protéger la santé, la sécurité et l’intégrité physique et psychologique des travailleuses et des travailleurs. Est-ce que c’est normal de se faire mordre, de se faire frapper ou de se faire pincer? La réponse, c’est non. L’employeur a l’obligation de protéger les personnes victimes de violence et de mettre en place des mesures pour empêcher que cela arrive. »

Jérôme Bazin abonde dans le même sens : « Quand on est victime de violence au quotidien ou plusieurs fois par semaine, ça devient des conditions de travail anormales. En éducation, ce n’est pas normal d’être victime d’actes violents même si cela arrive à une très grande fréquence. »

Prévenir au lieu de guérir

« Le droit de refus a comme objectif la prévention. On veut éviter les accidents de travail ou les maladies professionnelles », dit Marc Gagnon.

Rappelons que la violence peut mener à des lésions graves. Ces dernières peuvent être physiques, bien évidemment, mais elles peuvent aussi être psychologiques.

« Les conséquences psychologiques ne doivent pas être prises à la légère, elles doivent être prises en considération », affirme Marc Gagnon. Il ajoute que « tout petit évènement violent peut mener éventuellement à un trouble psychologique, d’où l’importance de documenter, de répertorier et d’inscrire dans un registre les évènements de violence ».

Les troubles psychologiques peuvent parfois être plus difficiles à guérir que les troubles physiques. Ils peuvent durer longtemps et même revenir plus facilement des années plus tard.

Les deux conseillers suggèrent aux travailleuses et aux travailleurs de ne jamais hésiter à porter des jugements sur ce qu’ils subissent ou voient en classe. « Si vous considérez que c’est anormal, dénoncez la situation! Et surtout, n’acceptez jamais l’inacceptable. »

Pour aller plus loin

Consultez le dossier de la CSQ consacré à l’exercice du droit de refus ou encore celui sur la violence au travail pour en savoir plus sur les deux sujets.