L’économie du care et l’équité salariale
En 1996, le Québec adopte la Loi sur l’équité salariale, mise en vigueur l’année suivante. Son
objectif : assurer un salaire égal pour un travail de même valeur équivalente. La loi ne vise donc pas seulement l’égalité salariale entre les femmes et les hommes occupant un même poste, mais cherche également à garantir que, lorsque les tâches sont équivalentes, les emplois à prédominance féminine reçoivent un salaire équivalent aux emplois mixtes ou à prédominance masculine.
Malgré près de 30 ans d’application, des écarts salariaux persistent entre les femmes et les hommes au Québec.
Pourtant, les femmes sont aujourd’hui proportionnellement plus nombreuses que les hommes à détenir un diplôme. C’est 14,9 % des hommes qui n’ont pas de diplôme, comparativement à 11,6 % pour les femmes. En revanche, les hommes sont plus nombreux à détenir un diplôme d’études professionnelles.

Comment rémunérer l’invisible?
Avec ce haut taux de diplomation des femmes, comment expliquer que des écarts subsistent? Une partie de la réponse se trouve dans l’invisibilisation des compétences nécessaires pour prendre soin et accompagner, ainsi que dans l’invisibilisation des tâches requises pour bien accomplir ce travail.
« […] le travail de care des femmes n’est toujours pas comptabilisé dans les statistiques nationales et internationales relatives au produit intérieur brut. Ces dernières se bornent en effet à mesurer l’avancement des sociétés en termes de croissance et de productivité, plutôt qu’en termes de bien-être, de souci des autres, ou encore, d’accès équitable à une éducation, à des soins de santé et à un filet social de qualité. »
Source : à paraître en 2025. HAMROUNI, Naïma. « Économie invisible du care, capitalisme et féminisme », dans (dir. Camille Froideveaux-Metterie) Théories féministes. Paris : Édition du Seuil.
Dans le balado, Naïma Hamrouni évoque la grève des femmes comme piste de réflexion pour prendre conscience de la valeur du travail accompli : si les femmes cessent ce travail et que la société doit payer pour qu’il soit effectué, serions-nous davantage en mesure de lui attribuer sa juste valeur?
En 2020, la pandémie a offert un aperçu de cette réalité. De nombreux services publics n’étaient plus aussi accessibles. Les écoles et les services éducatifs à l’enfance ont été fermés pendant plusieurs mois, révélant au grand jour l’importance de ces structures sociales pour l’économie. L’avenir saura nous dire si cette absence de services contribuera à une meilleure reconnaissance des emplois du prendre soin et de l’accompagnement.
L’économie du prendre soin et de l’accompagnement
Pour mieux valoriser les emplois du prendre soin et de l’accompagnement, il est peut-être temps de se tourner vers d’autres modèles économiques qui placent l’humain au centre. Dans cette perspective, qui propose un certain retour à l’essentiel : l’humain étant un être vulnérable, il aura, à un moment ou à un autre de sa vie, besoin de soins ou d’accompagnement.
Les transformations sociales des dernières années démontrent que les familles ne peuvent plus, à elles seules, assumer l’ensemble des responsabilités parentales et familiales. La génération « sandwich », qui a des enfants plus tard et doit souvent prendre soin de parents vieillissants, vit des conflits de conciliation accrus. Les familles étant plus petites, la répartition des soins aux parents se fait, lorsque possible, entre un nombre plus restreint de personnes.
Ces réalités ont une incidence sur les conflits de conciliation que peuvent vivre les travailleuses et travailleurs.
Il apparaît alors essentiel de reconnaître notre vulnérabilité en tant qu’humains ainsi que notre besoin des autres et d’une communauté. Les services publics sont une réponse à cette vulnérabilité, des services où nous sommes en mesure d’accéder à des soins et de l’accompagnement qui nous permettent de nous accomplir en tant qu’humains.
Entrevues avec des spécialistes sur le terrain
Colleen Gaspirc, technicienne en éducation spécialisée au Collège Dawson
Peggy Savard, infirmière en santé sexuelle et planification des naissances
Entrevues avec des spécialistes en recherche
Eve-Lyne Couturier, chercheuse à l’Institut de recherches et d’informations socioéconomiques
Naïma Hamrouni, professeure de philosophie à l’Université du Québec à Trois-Rivières et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en éthique féministe
