La pérennité et la vitalité de la langue française sont des préoccupations fondamentales pour la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) et l’ont été dès sa fondation. Depuis une vingtaine d’années, plusieurs indicateurs nous préviennent d’une anglicisation progressive du Québec, et ce, plus particulièrement dans la région métropolitaine de Montréal.

Dans ce contexte, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) souligne son appréciation globale du projet de loi no 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, présenté par le ministre responsable de la Langue française Simon Jolin-Barrette.

Le projet de loi no 96 se veut une vaste réforme de la Charte de la langue française (CLF) plus de quarante ans après son adoption à l’Assemblée nationale en 1977.

Les consultations particulières de la Commission de la culture et de l’éducation se sont ouvertes sur le sujet le 21 septembre dernier. La Centrale a déposé le jour même un mémoire contenant 16 recommandations, dont voici un aperçu.

Statut de la langue française et exemplarité de l’État

La CSQ appuie les mesures faisant de la langue française une langue publique commune dans les milieux de travail, particulièrement dans le contexte de l’anglicisation croissante dans la région de Montréal.

Tout en adhérant au principe d’exemplarité de l’État tel que formulé par le gouvernement, la Centrale estime néanmoins que le projet de loi aurait pu aller plus loin en évitant de perpétuer l’anglicisation des services de l’État québécois avec les personnes physiques.

Gouvernance linguistique et langue de travail

La création d’un ministère ainsi que d’un commissaire à la langue française est perçue positivement par la CSQ puisqu’elle recommandait la création de ces institutions depuis des années.

Du côté du travail, l’application de la Charte aux entreprises comptant de 25 à 49 personnes répond aussi aux demandes du syndicat, qui plaide en faveur d’une vaste campagne de sensibilisation pour informer la population des droits et recours linguistiques suivant l’entrée en vigueur de la réforme de la Charte de la langue française.

Francisation Québec : seul ombrage au tableau

La création de Francisation Québec laisse entrevoir un transfert de l’offre de francisation au profit du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) et inquiète la CSQ, qui demande au gouvernement de continuer d’accepter les tests de français reconnus par le ministère de l’Éducation.

Par ailleurs, sur la question des écoles passerelles, l’organisation syndicale demande que l’on brosse un portrait public du phénomène et du nombre d’admissions dans l’objectif de mieux mesurer l’ampleur de l’enjeu.

L’enseignement supérieur

Rappelant que les articles du projet de loi touchant la fréquentation linguistique au collégial rejoignent majoritairement ses positions historiques, la CSQ soumet néanmoins quelques préoccupations sur l’amplification de la concurrence entre les cégeps anglophones, et dans les cégeps francophones offrant un ou des programmes en anglais.

Finalement, la CSQ propose de mettre en œuvre différentes mesures permettant de favoriser l’accueil et la diplomation des étudiantes et des étudiants autochtones et ainsi éviter d’amplifier des obstacles systémiques pour ces derniers.

Liste des 16 recommandations pour le projet de loi no 96

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) fait les recommandations suivantes :

  1. Que le ministère de la Langue française fixe des cibles ambitieuses en matière de transfert linguistique des allophones vers le français et que le commissaire à la langue française en assure le suivi.
  2. Que soit remplacé à l’article 39 du projet de loi no 96 « celui-ci peut le faire » par « celui-ci peut exercer les recours découlant de l’article 47.2 du Code du travail (CT) ou tout autre recours analogue en vertu d’une autre loi ».
  3. Qu’une vaste campagne de sensibilisation et de publicité sur les droits et les recours linguistiques accompagne l’entrée en vigueur de la réforme de la Charte de la langue française (CLF).
  4. Que le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) s’assure que Francisation Québec travaille en étroite collaboration avec le ministère de l’Éducation afin de prendre en compte dans l’offre de services d’apprentissage du français :
    • Les cours de francisation reconnus par le ministère de l’Éducation qui sont offerts par les centres de services scolaires du Québec;
    • L’offre de cours en français langue seconde.
  5. Que le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) se ravise en acceptant les tests de français reconnus par le ministère de l’Éducation.
  6. Que le gouvernement brosse un portrait du phénomène des écoles passerelles et du nombre de demandes d’admissibilité à l’enseignement en anglais et qu’il rende ces données rapidement publiques. Dans l’éventualité d’une hausse marquée de ces demandes, que le gouvernement cesse d’accorder l’admissibilité de l’enseignement en anglais aux enfants de ressortissants étrangers, dans le réseau public et privé subventionné.
  7. Que soient clarifiés les mécanismes de détermination annuelle des effectifs totaux particuliers des cégeps anglophones, d’une part, et des effectifs totaux des étudiantes et étudiants recevant l’enseignement collégial en anglais dans les établissements francophones, d’autre part.
  8. Que soit prévu un mécanisme de concertation impliquant les partenaires du réseau collégial sur le développement du réseau collégial et la distribution des effectifs permis à hauteur de 8,7 %.
  9. Qu’une attention particulière soit portée au rayonnement des établissements d’enseignement collégial offrant un ou des programmes en anglais répondant aux besoins de communautés historiques anglophones en région afin d’en protéger l’existence.
  10. Que soit prévu un mécanisme de concertation impliquant les partenaires du réseau collégial en lien avec l’admission des « ayants droit » afin de favoriser un équilibre dans le réseau collégial et, plus particulièrement, au sein des établissements anglophones.
  11. Que le ministère de l’Enseignement supérieur (MES) consulte les partenaires du réseau collégial à propos des impacts d’éventuelles modifications au Règlement sur le régime d’études collégiales (RREC) en lien avec l’épreuve uniforme de français (EUF) sur les modifications de programmes, le financement et l’organisation du travail.
  12. Que le ministère de l’Enseignement supérieur (MES) ajoute les ressources nécessaires afin d’améliorer les mesures de soutien en français dans l’ensemble du réseau, notamment pour les étudiantes et étudiants allophones et anglophones, afin de bonifier, entre autres, l’aide disponible au sein des différents centres d’aide en français des cégeps.
  13. Que les étudiantes et étudiants réfugiés accueillis dans les cégeps anglophones à travers le Programme d’étudiants réfugiés (PER), mis en œuvre par l’Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC), soient exemptés de la nécessité de réussir l’épreuve uniforme de français (EUF) et que le ministère de l’Enseignement supérieur mandate les établissements d’accueil pour qu’ils leur fournissent le soutien nécessaire en francisation.
  14. Que, préalablement à l’adoption du projet de loi no 96, un travail en concertation avec les différents partenaires et organismes en éducation des Premières Nations et des communautés inuites, comme le Conseil en Éducation des Premières Nations, l’Institut Tshakapesh, les commissions scolaires crie et Kativik Ilisarniliriniq ainsi que les syndicats concernés, soit fait afin d’identifier les potentiels obstacles systémiques que pourrait générer sa formulation actuelle.
  15. Que le ministère de l’Enseignement supérieur (MES) mette les moyens en place, en ajoutant les ressources nécessaires, pour favoriser un meilleur apprentissage du français chez les étudiantes et étudiants inscrits à une formation menant à une attestation d’études collégiales (AEC), soit par l’intégration de cours donnés en français ou par l’offre de cours d’appoint.
  16. Que le ministère de l’Enseignement supérieur (MES) mette sur pied un comité de travail pour réévaluer et pour réactiver les mesures de non-concurrence à mettre en place au sein du réseau collégial, notamment les règles prévues dans le Régime budgétaire et financier des cégeps concernant les devis scolaires.