Vingt ans après son entrée en vigueur, le régime hybride public-privé d’assurance médicaments a fait la preuve de ses nombreux dysfonctionnements, notamment sur le plan du contrôle des couts. Le temps est venu de passer à un régime public universel permettant de régler les nombreux problèmes d’équité et d’accessibilité qui caractérisent le système actuel.

Bref historique

En 1997, un nouveau régime hybride public-privé d’assurance médicaments entre en vigueur au Québec. Il s’agit alors d’une grande avancée qui permet d’offrir une couverture d’assurance à 1,5 million de Québécoises et de Québécois qui ne bénéficient alors d’aucune protection.

Ce régime prévoit une double obligation :

  1. toute assurance collective privée doit inclure la couverture des médicaments;
  2. tous les individus qui ont accès à une telle assurance collective, dans le cadre de leur emploi par exemple, se doivent d’y adhérer. Les personnes n’ayant accès à aucun régime privé doivent obligatoirement souscrire au régime public d’assurance médicaments.

Aujourd’hui, 3,6 millions de personnes sont couvertes par le régime public d’assurance médicaments.

Des couts faramineux

Ce n’est pas un secret pour personne : au Québec, les médicaments coutent cher, très cher. En 2017, la population québécoise a dépensé dix milliards de dollars en médicaments. La place de ces derniers dans les dépenses de santé a plus que doublé depuis 1975, passant de 8,5 % à 18,5 % (Institut canadien d’information sur la santé (2017). Dépenses de santé, Tableau D.1.5.2.).

Il faut dire que le rôle des médicaments a changé depuis une trentaine d’années. Certains sont désormais utilisés au lieu de chirurgies, pour contrôler l’évolution de maladies chroniques ou encore pour pallier diverses situations qui affectent la vie et la santé des personnes (difficultés scolaires, mauvaises habitudes alimentaires, etc.).

Pourtant, malgré le rôle prépondérant des médicaments dans notre système de santé, le Québec et le Canada font piètre figure sur le plan des dépenses et des couts, en comparaison avec les autres pays développés.

À l’exception des États-Unis, dont la population ne bénéficie d’aucun système public de santé, c’est chez nous que les dépenses en médicaments sont les plus élevées parmi les pays riches (figure 1).

En 2014, les montants dépensés en médicaments par habitant étaient de :

  • 1 087 $ au Québec
  • 912 $ au Canada

603 $ en moyenne dans les pays de l’OCDE

Ce sont les prix des médicaments, plus élevés ici qu’ailleurs, qui expliquent en grande partie que le Québec dépense 45 % de plus par habitant que la médiane de l’OCDE. En effet, tant pour les médicaments brevetés que pour les génériques, les prix au Canada se situent parmi les plus élevés : 100 $ de médicaments au Canada ne coutent que 81 $ (médicaments brevetés) et 67 $ (médicaments génériques) à l’étranger (figure 2).

Pourquoi les prix sont-ils aussi élevés au Québec et au Canada? Cela s’explique en partie par des tentatives historiques de favoriser l’essor de l’industrie pharmaceutique chez nous. Or, les résultats en termes de création d’emplois n’ont pas été au rendez-vous. Aujourd’hui, cette politique industrielle nous coute collectivement bien cher!

Les ratés du régime public-privé actuel

  1. Des dépenses hors de contrôle

Depuis les vingt dernières années, la hausse annuelle moyenne des primes des assurances collectives se situe entre 6,5 % et 7,5 %. Une telle croissance dépasse largement l’inflation et les hausses salariales octroyées, tant dans le secteur privé que dans le secteur public.

Les médicaments représentent entre 70 % et 90 % des couts de ces régimes. Le montant des franchises, du taux de coassurance (La coassurance est le pourcentage du cout des médicaments assumé après la franchise par la personne assurée) et du maximum annuel (Le maximum annuel correspond au montant au-delà duquel la personne assurée voit le remboursement de ses médicaments prescrits passer à 100 %. Il comprend la franchise et la coassurance) est également en nette augmentation. Dans bien des milieux de travail, le choix d’un régime d’assurances collectives est devenu un enjeu important de négociation.

Si la hausse des primes et des couts assumés par les participantes et participants aux régimes privés augmente, c’est aussi le cas pour les personnes assurées sous le volet public de la Régie de l’assurance maladie du Québec. Entre 1997 et 2018, la prime annuelle est passée de 175 $ à 616 $, la coassurance de 25 % à 34,9 % et le maximum annuel de 750 $ à 1 087 $.

  1. Une moins grande accessibilité

La hausse des couts assumés par les personnes entraine de sérieux problèmes d’accessibilité aux médicaments, ce qui a évidemment des répercussions sur le système de santé. Plusieurs recherches ont démontré que même une hausse de quelques dollars par ordonnance empêche certaines personnes d’acheter les médicaments dont elles ont besoin.

La figure 3 démontre que les citoyennes et citoyens des pays bénéficiant d’un régime public universel d’assurance médicaments se privent beaucoup moins fréquemment des médicaments dont ils ont besoin.

  1. Des problèmes d’équité

Le régime d’assurance public-privé actuel pose aussi des problèmes d’équité. D’abord, comme les primes sont établies en fonction de l’expérience passée de chaque groupe, celles « fixées dans le cadre des régimes privés sont parfois plus élevées pour les membres de groupes socioprofessionnels moins nantis et en moins bonne santé – par exemple, les chauffeurs de taxi – que pour les travailleurs occupant des emplois mieux rémunérés, et généralement en meilleure santé, comme les professeurs d’université » (Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (2017). Le régime public-privé d’assurance médicaments du Québec : un modèle obsolète ?, p. 4.).

Par ailleurs, chaque participante et participant d’un même groupe doit payer la même prime, peu importe son niveau de revenu. Cela entraine des situations particulièrement difficiles pour certaines personnes, notamment celles travaillant à temps partiel.

Finalement, il existe une iniquité entre les participantes et participants aux régimes privés et ceux participant au régime public. Bien que le prix coutant des médicaments et les marges bénéficiaires soient règlementés par l’État, selon l’actuaire Yanick Comeau, « à consommation égale, l’écart provenant des honoraires des pharmaciens, des frais et profit et des taxes résultent en des coûts d’au minimum 35 % plus élevés pour les régimes privés5 » (figure 4).

Des économies de 811 M $ à 3 800 M $

La création d’une assurance publique universelle, sans contrainte financière, offrirait à la population un meilleur accès aux médicaments. Un pôle public d’achat mettant fin à l’actuel marché fragmenté6 nous permettrait de bénéficier d’un pouvoir accru de négociation face aux entreprises pharmaceutiques. D’importantes économies seraient ainsi générées.

Diverses études récentes chiffrent ces économies entre 811 M $ et 3 800 M $, selon les politiques publiques mises en place. Ces montants épargnés pourraient être réinvestis dans le réseau de la santé et des services sociaux dont les besoins sont criants, et donc bénéficier à l’ensemble des citoyennes et des citoyens.

Campagne La pièce manquante

Depuis l’automne dernier, les trois grandes centrales syndicales du Québec, la CSQ, la CSN et la FTQ, mènent conjointement la campagne La pièce manquante, visant à réclamer la mise sur pied d’une véritable assurance médicaments publique et universelle au Québec.

La campagne agit sur deux fronts : sur la scène fédérale pour éviter que le gouvernement Trudeau n’opte pour le modèle québécois de régime hybride d’assurance médicaments, et sur la scène québécoise pour convaincre le gouvernement Legault de mettre en place un régime public et universel. La population québécoise est invitée à se joindre au mouvement. Comment?

  • Interpellez la ministre provinciale de la santé, Danielle McCann, par le biais de la campagne de messages courriel en cours : cssante.com.
  • Diffusez largement les appels à l’action publiés sur le groupe Facebook CSQ : com/groups/assurancemedicamentsCSQ.
  • Témoignez de votre réalité : lacsq.org/nous-joindre.
  • Organisez des séances d’information (conférences publiques, assemblées générales, etc.).
  • Interpellez les députées et députés fédéraux en vue des prochaines élections.
  • Pour les deux dernières actions, communiquez avec la personne responsable du dossier : goulet.lise@lacsq.org.