Économie

«Un budget qui évite le pire… pour l’instant»

12 mars 2024

« Le gouvernement accepte de repousser à plus tard son objectif de retour à l’équilibre budgétaire. Il évite ainsi, pour l’instant, de replonger le Québec dans le cercle vicieux de l’austérité », a réagi à chaud le président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Éric Gingras.

« Avec un déficit réel de 7,2 G$ (11 G$ après la provision pour éventualité et le versement au Fonds des générations), le gouvernement subit les impacts du ralentissement économique, des baisses d’impôt tout en assurant le maintien des missions de la santé et de l’éducation », a-t-il déclaré Éric Gingras.

« Bien qu’il n’y ait pas d’investissements qui auraient permis de poursuivre l’impulsion donnée à nos réseaux publics par les négociations, on ne peut pas parler d’austérité cette année pour ces deux missions essentielles. Dans un contexte où la réduction de la dette est sous contrôle et que l’atteinte de l’équilibre budgétaire réel est prévue pour 2027-2028, c’était le bon choix à faire », souligne le président de la CSQ.

Ne pas rejouer dans le film de l’austérité

« Si le pire est évité à court terme, il faudra être vigilant au prochain budget lors de la publication du plan de retour à l’équilibre budgétaire. Il faut craindre un retour à l’austérité alors que le gouvernement voudra alors freiner la croissance de ses dépenses. Rappelons que le gouvernement vit maintenant les conséquences des importantes et récurrentes baisses d’impôt consenties l’année dernière », ajoute M. Gingras.

En éducation et en enseignement supérieur

« Avec l’augmentation de 6,7 % du budget de l’éducation et de 3,5 % en enseignement supérieur, le gouvernement ne se permet de financer que le maintien des services tout en recyclant quelques annonces précédentes », affirme Éric Gingras. De fait, la part du lion des 293 M$ supplémentaires annoncés pour cette année sert à financer le plan de retour en classe qui avait déjà été annoncé à la suite de la grève et à prolonger de 2 ans des mesures d’attraction et de rétention déjà en place dans le réseau scolaire. 

Rien pour la formation professionnelle et l’éducation aux adultes

Malheureusement, alors que la pénurie de main-d’œuvre continue de sévir, rien n’est prévu pour donner enfin accès à la formation professionnelle à temps partiel. De même, à la formation générale des adultes, le financement par enveloppe fermée continuera de restreindre les effectifs. « Or, l’accès à l’éducation et à la formation représente la première clé dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités », avance M. Gingras.

Un déficit d’entretien toujours important

Le budget prévoit 15,5 millions de plus par année pour accélérer l’entretien des écoles et majore de 450 M$ sur 10 ans son plan d’investissement dans le réseau scolaire. « Ces annonces sont les bienvenues, mais apparaissent nettement insuffisantes face au 8,5 G$ de déficit d’entretien des infrastructures d’éducation reconnu par le gouvernement », souligne le président de la CSQ.

Pour une vaste réflexion en éducation

 « Si l’éducation est véritablement une priorité pour le gouvernement Legault, il faut éviter les mesures à la pièce et jeter rapidement les bases d’une réflexion collective sur l’avenir de notre système d’éducation », plaide M. Gingras.

Enseignement supérieur

Le gouvernement Legault poursuit le surplace en enseignement supérieur. « Encore une fois, le secteur de l’enseignement supérieur ne fait l’objet d’aucun investissement additionnel. Les seules sommes prévues dans le budget sont en prévision de la révision de la politique québécoise de financement des universités dont nous connaîtrons les impacts plus tard », déplore Éric Gingras.

En santé et services sociaux

Avec une croissance moyenne de 4,4 % du budget du système de santé et services sociaux sur 3 ans, le gouvernement s’appuie trop fortement sur les changements de structure pour bonifier les services de santé. Des sommes considérables sont consacrées au virage numérique (180 M$), aux soins à domicile (91 M$), au Guichet d’accès (23 M$) et à l’élargissement du financement axé sur le patient. « On peut douter que ces réformes de structure viennent compenser pour les besoins importants de notre système. Du bon côté, dans le contexte démographique actuel, les investissements supplémentaires (243,5 M$) pour soutenir le maintien à domicile et l’hébergement des personnes aînées sont les bienvenus », souligne M. Gingras.

Déception en petite enfance

Le budget prévoit, pour 2024-2025, un financement pour la conversion de 1000 places non subventionnées en places subventionnées. C’est 1000 places de plus que les 8603 places déjà prévues, mais contrairement à nos demandes, le gouvernement n’offre toujours pas d’incitatifs pour qu’elles soient intégrées au réseau des centres de la petite enfance (CPE). On peut se demander si, à terme, le réseau québécois de CPE sera remplacé par un réseau de garderies privées subventionnées », affirme M. Gingras.

 Logement, environnement et culture

Malgré la crise du logement qui perdure, les sommes prévues pour favoriser l’accès au logement sont nettement insuffisantes et non adaptées aux besoins criants. Il aurait fallu un plan costaud et pluriannuel de création de logements sociaux afin de combler le retard accumulé au Québec depuis plusieurs années.

De même, ce n’est pas avec ce budget que la CAQ va améliorer son bilan environnemental. Le Plan québécois des infrastructures (PQI) consacre encore la majorité des sommes au développement du réseau routier (57 %). « Le développement d’un réseau efficace et accessible de transport collectif si essentiel à la transition juste et pour réduire les dépenses des ménages devra attendre », affirme Éric Gingras.

Finalement, la CSQ salue les nouveaux investissements pour promouvoir la culture, la langue française et les médias, notamment le soutien accru à Télé-Québec.

 Condition des aînés

Enfin, la CSQ tient à saluer l’élimination de la réduction de la rente pour les aînés en situation d’invalidité qui atteignent l’âge de 65 ans. Cela représente une bonification pouvant atteindre 3930 $ par année, soit une hausse d’environ 32 % de la rente de retraite.

La CSQ est cependant préoccupée par le silence du gouvernement quant à sa volonté de contribuer à parts égales à la surindexation du RREGOP que permettent les plus récents résultats financiers. Les retraités actuels ont eu droit à une majoration de 0,8 % de la part autofinancée de leur rente. « Le gouvernement a jusqu’au 1er juillet pour annoncer qu’il ajustera la sienne. Nous sommes déçus que le budget ne le confirme pas encore », déplore le président de la CSQ.