Actualités, Éducation
Tête-à-tête avec Éric Gingras, président de la CSQ: la situation en éducation
13 août 2025
« Pour bâtir l’avenir, il faut cesser de penser à court terme. »
Propos recueillis par Léanne Fiset-Gingras et Laurianne Veilleux.
À l’aube d’une rentrée chargée, nous avons rencontré le président de la CSQ, Éric Gingras, afin de faire le point sur les grands enjeux qui touchent nos membres et la société. Dans ce deuxième article d’une série de trois, il sera question du réseau scolaire, de l’enseignement supérieur, ainsi que des politiques éducatives. Dans cet entretien en mode questions-réponses, le leader syndical partage ses réflexions et sur la nécessité d’une vision à long terme pour l’éducation au Québec.
« Pour bâtir l’avenir, il faut cesser de penser à court terme. On doit planifier l’éducation non pas pour un cycle électoral, mais pour les 10, 15 ou 20 prochaines années. » Éric Gingras, président de la CSQ
RÉSEAU SCOLAIRE
Pourquoi lancer un grand chantier de l’éducation en 2025-2026 ?
Parce que nous sommes encore prisonniers du même paradigme qu’au cours des années 2010 et 2015 : un gouvernement qui prend de mauvaises décisions, coupe dans l’éducation, puis revient avec des réinvestissements partiels. Les récentes coupes de 560 millions de dollars ont été partiellement annulées sous la pression populaire et syndicale, mais la bataille est loin d’être terminée.
Ce chantier vise à comprendre à quoi sert l’éducation et à repenser son organisation afin d’éviter les dédoublements, de sortir du travail en silo et de mieux soutenir le personnel. On souhaite impliquer tous les partenaires de la société civile dans cette réflexion, qui s’étendra de la petite enfance à l’enseignement supérieur, une première au Québec.
Comment comptez-vous mobiliser le gouvernement ?
On veut que les partis politiques s’engagent clairement, qu’ils « se mouillent » réellement. L’objectif est de bâtir un plan qui survivra aux cycles électoraux et aux changements de gouvernement, en continuant nos partenariats, mais aussi en allant consulter directement nos membres cet automne.
COUPES ET RÉINVESTISSEMENTS
Quel est l’impact du récent recul du gouvernement ?
Quand les coupes ont été annoncées, le milieu de l’éducation, les syndicats, les partenaires communautaires et la population se sont mobilisés. Entre autres, la CSQ a fédéré les mécontents, ce qui a forcé un réinvestissement. Toutefois, cet argent sera versé au compte-gouttes aux centres de services scolaires : ceux-ci devront prouver, mois après mois, qu’ils coupent « dans le gras » avant de pouvoir recevoir des fonds. Ce n’est pas ce qu’on pourrait appeler un engagement ferme envers l’éducation. Il s’agit plutôt d’un gouvernement qui souffle le chaud et le froid.
Avez-vous encore confiance en ce gouvernement ?
Pas vraiment. Peu importe la personne qui occupera le poste de ministre de l’Éducation, la situation demeurera la même. Et ce, pour la simple et bonne raison que les décisions sont prises par le gouvernement. On le voit bien : nous avons un gouvernement qui multiplie les mauvais choix et qui agit en fonction de calculs électoralistes plutôt que dans l’intérêt public. Nous avons pu le constater au cours de l’été, tant par le recul observé en éducation que dans le secteur des services éducatifs à la petite enfance, notamment en ce qui concerne l’accès aux places à contribution réduite pour les enfants de certains parents immigrants.
VIOLENCE EN MILIEU SCOLAIRE
Où en est le protocole contre la hausse des violences ?
Ce protocole, élaboré en collaboration avec nos fédérations et le ministère, vise à outiller le personnel afin qu’il sache quoi faire lorsqu’il est victime de gestes de violence. Il doit être adapté aux réalités régionales et mieux diffusé. Mais, comme c’est souvent le cas, les démarches ministérielles prennent beaucoup trop de temps.
CELLULAIRES ET VOUVOIEMENT
Quelle est votre position sur ces mesures ?
L’interdiction des cellulaires reçoit un bon accueil auprès de nos membres, mais la question de l’application reste floue : qui en assurera la mise en œuvre, et comment ? Quant au vouvoiement, c’est une fausse bonne idée. Dans plusieurs écoles, c’est déjà en place, et rien ne prouve que cela renforce le respect. Ces mesures discutables émanent d’un ministre qui ne sait plus quoi faire pour démontrer qu’il agit, mais ce n’est pas suffisant.
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
Quelles sont les priorités pour l’automne ?
Nous allons continuer à nous mobiliser pour contrer les compressions dans nos cégeps et universités. La coupe de 150 millions annoncée en mai dernier est dramatique pour le réseau. Le gouvernement profite du fait que les parents s’impliquent moins à ce niveau et que les étudiants sont moins enclins à voter pour négliger le réseau de l’enseignement supérieur. Pourtant, 220 000 jeunes fréquentent nos cégeps, et la clientèle est en croissance. Les cégeps sont essentiels, surtout en région. C’est aussi un manque flagrant de respect envers les étudiantes et étudiants, qui méritent un réseau fort, accessible et valorisé.
Dans le prochain article, Éric Gingras pose un regard sur ses années à la présidence de la CSQ et partage sa vision pour la suite, à l’aube d’une année électorale.