Actualités

Tête-à-tête avec Éric Gingras, président de la CSQ

8 août 2025

“Ce qui nous guide, c’est le bien-être des gens”

Propos recueillis par Léanne Fiset-Gingras et Laurianne Veilleux.

À l’aube d’une rentrée chargée, nous avons rencontré le président de la CSQ, Éric Gingras, afin de faire le point sur les grands enjeux qui touchent nos membres et la société. Dans ce premier article d’une série de trois, il sera question de santé, d’immigration, de solidarité internationale, et du financement du milieu communautaire. Dans cet entretien en mode questions-réponses, le leader syndical partage ses réflexions et réaffirme les priorités de la Centrale pour les mois à venir.

« Ce qui nous guide, c’est le bien-être des gens. Derrière chaque dossier, chaque revendication, il y a des travailleuses, des familles, des enfants. On veut bâtir des services publics solides, accessibles et humains, partout au Québec. » Éric Gingras, président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ).

SANTÉ

Avez-vous confiance envers Santé Québec ?
Non. La structure actuelle nous inquiète. Elle est beaucoup trop lourde, avec un nombre de cadres très élevé, et l’on constate déjà que la privatisation est bien implantée. Ce n’est pas qu’une question de gestion : sur le terrain, ça a des effets directs sur la qualité et l’accessibilité des soins.

Est-ce que vous voyez là une privatisation déguisée ? 
Oui, clairement. Et le problème, c’est qu’en parallèle, on vit un manque criant de personnel, particulièrement dans les régions. Cela entraîne des ruptures de service inacceptables, que ce soit en soins courants ou dans les services spécialisés. Nous travaillons activement à documenter et dénoncer ces situations.

Quattendez-vous des partis politiques en vue des prochaines élections ?
Nous voulons des engagements clairs et concrets, pas des slogans ou des chiffres lancés sans explication. Les partis doivent dire précisément ce que leurs propositions signifient pour les régions, notamment les plus éloignées, où l’accès aux soins est déjà bien fragile.

PETITE ENFANCE

Où en est la réflexion sur le rattachement de la petite enfance au secteur de l’éducation ?
Nous avons mandaté une analyse pour examiner les avantages et les inconvénients du statu quo, c’est-à-dire de maintenir ce milieu sous la responsabilité du ministère de la Famille ou d’un changement en faveur d’un éventuel transfert vers le ministère de l’Éducation. Le statu quo ne semble pas convenir : il y a trop de silos qui séparent les réseaux de la petite enfance, de l’enseignement supérieur, de la santé, des services sociaux et de l’éducation.

Pourquoi est-ce important de décloisonner ces réseaux ?
Parce que trop souvent, des personnes travaillent sur les mêmes enjeux dans différents ministères ou organismes, sans coordination. Ce dédoublement ralentit la mise en place de solutions efficaces. L’objectif est de mieux connecter les services et de simplifier les parcours, tant pour les familles que pour le personnel.

Quelle suite envisagez-vous ?
Nous allons identifier les vrais problèmes, proposer des pistes concrètes et interpeller les partis politiques pour qu’ils prennent position. Peu importe où se situe le milieu de la petite enfance, il faudra trouver des solutions pour régler rapidement les problèmes connus.

IMMIGRATION ET SERVICES

Le gouvernement veut réduire limmigration. Quelle est votre réaction ?
On sent que l’immigration sert parfois, voire trop souvent, de bouc émissaire. On pointe du doigt les personnes immigrantes pour l’augmentation du nombre d’élèves avec laquelle les centres de services scolaires doivent composer. On tient également l’immigration responsable de la fragilisation de nos services éducatifs à la petite enfance. Or, la réalité est beaucoup plus complexe. Nous devons sortir du débat simpliste sur les chiffres et parler des vrais besoins d’intégration et de soutien.

AFFILIATION À LA CSI

Pourquoi la CSQ a-t-elle choisi dadhérer à la Confédération syndicale internationale ?
Nous étions déjà affiliés à des organisations sectorielles, mais il nous manquait un lien avec une structure qui représente tous les types de travailleuses et travailleurs. La CSI nous permet d’avoir une voix dans des instances importantes, comme l’ONU et l’Organisation internationale du travail. C’est là qu’on peut défendre nos dossiers, y compris contester des projets de loi qui portent atteinte aux droits fondamentaux. Oui, il y a un coût d’adhésion, mais ne pas y adhérer nous coûterait bien plus cher en perte d’influence et de capacité d’action.

MILIEU COMMUNAUTAIRE

Le communautaire est-il toujours une priorité pour la CSQ ?
Oui, et plus que jamais. Le milieu communautaire joue un rôle essentiel dans le soutien aux personnes immigrantes, aux femmes victimes de violence et à bien d’autres groupes vulnérables. Or, il dépend largement du financement public. Quand ce financement est réduit, les services diminuent, des emplois disparaissent et, pour finir, c’est la population qui paie le prix. Défendre le communautaire, c’est défendre le tissu social qui permet à nos communautés de tenir debout.

À lire dans le prochain article: les défis de l’enseignement public, privé et de l’enseignement supérieur à l’heure des coupes budgétaires.