Éducation, Enseignement supérieur

Réseaux scolaire et collégial : compressions, pénurie et décisions à courte vue

12 juin 2025

Pénurie de main-d’œuvre, déficit d’entretien des infrastructures, gel d’embauche, compressions budgétaires : dans ce dernier épisode de la saison 3 du balado Prendre les devants, le président de la CSQ, Éric Gingras, et ses invités ont fait le point sur la situation dans les réseaux scolaires primaire, secondaire et collégial du Québec.

Par Anne-Marie Tremblay, collaboration spéciale

L’an dernier, le réseau collégial a connu la plus forte hausse d’inscriptions des 23 dernières années, a rappelé Marie Montpetit, présidente-directrice générale de la Fédération des cégeps. Ainsi, ce sont près de 200 000 étudiantes et étudiants qui fréquentent ces 48 établissements répartis dans toutes les régions du Québec. « C’est une excellente nouvelle qu’autant d’étudiantes et étudiants fassent le choix de l’enseignement supérieur, surtout dans un contexte de désinformation, de complotisme, de montée de l’extrême droite », a-t-elle expliqué.

« On compte aussi 35 000 personnes en formation continue », a-t-elle aussi souligné, rappelant que la question de la requalification des travailleuses et travailleurs est d’actualité, surtout depuis l’imposition des tarifs douaniers par les États-Unis. Les cégeps jouent aussi un rôle important dans la vitalité des régions, la recherche, l’innovation et la réduction de la pénurie de main-d’œuvre, a fait valoir Marie Montpetit.

Or, le réseau collégial doit composer avec d’importantes compressions, alors que son budget a été amputé de 151 millions $. « Plusieurs cégeps annoncent, pour la première fois de leur histoire, des budgets déficitaires pour permettre de maintenir au maximum les services aux étudiants. Ce sont des choix crève-cœur qui sont faits présentement, de retirer certains services », a-t-elle dit. À cela s’ajoutent un plafond des budgets d’investissement et un gel de recrutement, si bien que 500 postes ne sont pas comblés depuis le gel de recrutement, annoncé le 1er novembre dernier, a souligné la PDG.

« L’année dernière, la vérificatrice générale a déposé un rapport assez alarmant, disant qu’il y avait un sous-financement chronique dans les infrastructures. Depuis ce temps-là, la direction qui a été prise par le gouvernement, c’est de désinvestir », a-t-elle poursuivi. Il a ainsi mis sur pause plusieurs projets d’agrandissement, alors qu’une augmentation de 25 000 étudiantes et étudiants est prévue au cours des cinq prochaines années. Le manque à gagner touche aussi l’équipement, qui doit être à la fine pointe pour former les futurs diplômés à la réalité du monde du travail.

Une vision à court terme

La situation n’est guère plus réjouissante du côté des établissements scolaires et secondaires, alors que la pénurie, les compressions et les problèmes d’infrastructures sont tout aussi criants. « Les décisions sont prises au jour le jour, sans vision, ou encore en réaction à l’actualité. On n’est pas capable d’analyser à long terme pour déterminer un plan pour se sortir de cette situation. Et c’est ce qui est désolant », a souligné Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE).

« On sent une déconnexion, un manque d’écoute des gens qui se trouvent sur le terrain », a-t-il ajouté. Même si les canaux de communication avec les instances gouvernementales sont ouverts, les résultats tardent à venir. « On achète beaucoup de temps, on reporte plusieurs choses, on nous répète qu’on nous entend. Mais certains dossiers sont sur la table depuis cinq ans, sans aboutir. Peu importe qu’on se fasse dire oui ou non, avoir une réponse nous permettrait de savoir à quoi s’attendre, plutôt que d’être laissés dans le flou. »

Pourtant, le gouvernement répète que l’éducation et les élèves sont une priorité. « Mais, ce qui est important pour nous en tant que fédération, c’est de le voir concrètement dans les gestes et les décisions qui sont prises, a-t-il dit. Et c’est difficile de voir cela actuellement », a-t-il ajouté.

« Gouverner, c’est faire des choix »

Un point de vue partagé par Marie Montpetit, qui a rappelé que « gouverner, c’est faire des choix », des choix politiques importants, dans le contexte actuel, alors qu’il ne faut pas fragiliser les institutions d’enseignement. « Une société qui investit dans l’éducation, dans l’enseignement supérieur, ne se trompera jamais. Il faut soutenir les jeunes, s’assurer qu’ils ne décrochent pas, favoriser leur persévérance. Il faut aussi se demander comment on veut les former », a-t-elle insisté.

Si gouverner c’est faire des choix, il faudra aussi faire le même exercice dans le réseau scolaire, a ajouté Nicolas Prévost. D’autant que plusieurs demandes se sont retrouvées dans la cour du réseau de l’éducation. « Qu’est-ce qu’est l’école aujourd’hui? On souhaite quoi pour elle? Actuellement, beaucoup de groupes gravitent autour de l’école et nous disent ce qu’on devrait faire, ce qu’on devrait être, comment ça devrait fonctionner. Mon message, c’est qu’il y a des gens qualifiés dans nos établissements, que ce soit le personnel de soutien, les professionnelles et professionnels, les enseignantes et enseignants, les directions d’école. Faites-nous confiance et laissez-nous cette marge de manœuvre, redonnez cet espace à l’école, qu’elle n’a plus. »

*Les propos ont été édités pour faciliter la compréhension.

Écoutez l’épisode complet du balado :