Montréal, le 28 octobre 2013. – Malgré une amélioration au cours des dernières années, en raison de l’embauche de plusieurs bibliothécaires, l’état des bibliothèques scolaires du Québec laisse encore à désirer. Collections désuètes, locaux utilisés à d’autres fins, heures d’accessibilité réduites, retard dans l’implantation du numérique sont des réalités courantes dans ces lieux d’initiation à la littérature et à la recherche documentaire.
C’est ce que dévoile la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec (FPPE-CSQ) dans son Enquête sur la situation des bibliothèques scolaires, une étude réalisée auprès de 75 bibliothécaires scolaires et dévoilée dans le cadre de la Journée nationale des bibliothèques scolaires 2013.
De l’abandon par le MELS et les commissions scolaires à la remontée des bibliothèques : de 21 à 107 bibliothécaires
« Bien avant le début de l’enquête, nous avions remarqué une détérioration flagrante des bibliothèques dans les années 1990 et 2000 : les collections des bibliothèques étaient dans un piteux état, les mises à jour ne se faisaient pratiquement plus et le personnel qualifié pour le faire se faisait de plus en plus rare. En 2007, le nombre de bibliothécaires scolaires était seulement de 21 pour tout le Québec ! », déplore Johanne Pomerleau, présidente de la FPPE-CSQ.
Ce n’est qu’en 2004-2005 que le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) met sur pied le Plan d’action sur la lecture à l’école (PALE) qui a pour objectif d’aider les commissions scolaires à regarnir leurs rayons avec des livres pertinents et de qualité, en plus de leur donner accès à des ressources humaines spécialisées en bibliothéconomie.
À cela s’ajoute une mesure mise en place depuis 2008-2009 qui permet l’embauche de bibliothécaires. « À la faveur de ces nouveaux engagements, le nombre de bibliothécaires scolaires a atteint 107 en 2012, ce qui nous réjouit », poursuit Johanne Pomerleau.
Du pain sur la planche
Seulement, l’enquête de la FPPE-CSQ permet de constater que l’état des bibliothèques est tel depuis le laisser-aller des décennies 90 et 2000, que les bibliothécaires embauchés ont peine à atteindre les objectifs du plan d’action. « Encore aujourd’hui, 19 commissions scolaires, dont 14 en régions éloignées, n’ont toujours pas de bibliothécaires scolaires », affirme Sophie Massé, vice-présidente à la FPPE-CSQ.
Aussi, plusieurs écoles n’ont pas de bibliothèque. Et quand elles en ont une, elle n’est pas toujours utilisée à des fins de lecture. « Lors de l’enquête, nous avons recueilli des témoignages troublants sur l’utilisation des bibliothèques dans certaines commissions scolaires : salle de classe, de réunion, d’informatique, de retrait pour les jeunes turbulents, de repas, de bricolage pour le service de garde, pour l’hygiéniste dentaire et ça, c’est quand les rayons ne sont pas carrément fixés aux murs des corridors ! », affirme la bibliothécaire Suzie Pelletier.
Une grande partie des bibliothèques souffre également d’une absence chronique de mise à jour des collections. Plusieurs sont encore désuètes, endommagées, incomplètes, peu attrayantes. On remarque pratiquement partout un retard important dans l’utilisation des ressources numériques, faute d’équipement adéquat.
À l’heure actuelle, il faut travailler d’arrache-pied à réintroduire de bonnes habitudes dans l’organisation, la structure, le classement, la gestion des collections de plusieurs bibliothèques. C’est qu’en l’absence de bibliothécaires, les bibliothèques ont souvent été gérées, et le sont encore parfois, par des personnes de bonne volonté, mais ne possédant pas l’expertise nécessaire. Le choix des livres ne rejoint pas toujours les objectifs du Programme de formation de l’école québécoise (PFÉQ).
« Par exemple, on retrouve souvent trop de fiction par rapport au documentaire, trop de livres s’adressent aux filles plutôt qu’aux garçons, ou encore des livres qui ne sont pas adaptés à l’âge de la clientèle. On a vu des exemplaires de Fifty Shades of Grey et des mangas plutôt osés circuler dans des bibliothèques du secondaire », déplore Suzie Pelletier.
Le véritable rôle des bibliothécaires
Encore trop souvent, les bibliothécaires ne participent pas à l’élaboration des collections et ne sont pas toujours consultés. Pourtant, leur rôle est d’assurer le développement des collections, d’assurer la mise en valeur de la bibliothèque et d’en faire la promotion, de proposer des plans de gestion des bibliothèques, de déterminer les outils de classification et d’assurer un lien entre le PFÉQ et les ressources documentaires qu’il exige.
Pour maintenir et favoriser la vitalité des bibliothèques scolaires, la FPPE demande donc au gouvernement de maintenir les mesures mises en place qui permettent l’acquisition de livres et l’embauche de bibliothécaires. « Chacun de nous le sait, la pratique de la lecture favorise une meilleure réussite scolaire et sociale chez les jeunes. Les élèves du Québec méritent qu’on investisse pour créer et maintenir chez eux des habitudes de lecture qui vont perdurer avec le temps. Pour ce faire, lecture doit rimer avec plaisir, innovation et qualité », conclut Johanne Pomerleau.
Pour un aperçu du travail des bibliothécaires, visionnez la vidéo de la campagne « Changer le monde un élève à la fois » sur les bibliothécaires au youtube.com/pourchangerlemonde.
Profil de la FPPE-CSQ
La Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec (FPPE-CSQ) représente 19 syndicats regroupant 7 300 membres répartis dans la quasi-totalité des commissions scolaires du Québec, francophones, anglophones, Crie et Kativik. Elle compte parmi ses membres différentes catégories de personnel dans les secteurs administratif, pédagogique et dans les services directs aux élèves (entre autres, psychologues, psychoéducatrices et psychoéducateurs, orthophonistes, conseillères et conseillers d’orientation, orthopédagogues, bibliothécaires et animatrices et animateurs à la vie spirituelle et à l’engagement communautaire).