Santé

Évacuées et sans nouvelles de l’employeur

8 juin 2023

Feux de forêt à Chibougamau

Inhalothérapeute à l’hôpital de Chibougamau, Élise Duchesne fait partie des citoyennes et citoyens qui ont dû quitter la ville en raison de l’ordre d’évacuation obligatoire due aux feux de forêt qui ravagent actuellement leur région. Ma CSQ cette semaine s’est entretenue avec elle pour comprendre ce qui se passe sur le terrain.

Alors que trois feux de forêt au nord de la ville de Chibougamau se sont rejoints en un seul grand incendie, la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU) a demandé, le 6 juin 2023, l’évacuation immédiate de tous les résidents.

Élise Duchesne

Élise Duchesne est partie de Chibougamau en voiture vers le Lac-Saint-Jean, avec son mari, deux de ses enfants, âgés de 6 et 7 ans, et un sac à dos chacun pour seul bagage. La famille a mis quatre heures pour atteindre Alma, un trajet qui prend généralement un peu plus de deux heures. Certains de ses collègues auraient mis jusqu’à sept heures pour effectuer le même trajet.

La route, pour s’y rendre, ne compte qu’une seule voie et la file de voitures qui quittaient la ville était longue, nous a raconté l’inhalothérapeute et déléguée syndicale, responsable du réseau Nord-du-Québec, pour le Syndicat des intervenantes et intervenants de la santé du Nord-Est québécois (SIISNEQ-CSQ).

À travers cette épreuve, c’est à ses collègues du SIISNEQ-CSQ qu’Élise Duchesne pense.

Seules et inquiètes dans une ville fantôme

Le 7 juin au matin, six infirmières, deux médecins et deux gestionnaires étaient toujours de service à l’urgence du Centre de santé de Chibougamau, car la ville de Chapais, non loin de là, n’avait pas encore été évacuée. Cet hôpital, qui relève du Centre régional de santé et de services sociaux de la Baie-James, étant le seul de la région, est demeuré ouvert pour les urgences seulement, mais avec des effectifs réduits.

Malgré l’évacuation obligatoire de Chibougamau, les infirmières attitrées à l’urgence et présentes ce matin-là se sont fait imposer de rester à l’hôpital. Une quinzaine d’autres membres du SIISNEQ-CSQ, des infirmières ainsi qu’une inhalothérapeute, ont également dû rester de garde chez elles, à Chibougamau, alors que toute la ville fuyait. Parmi elles, certaines se sont portées volontaires pour prêter main-forte. « Une d’entre elles était en vacances et s’est présentée, sans préavis, à l’hôpital pour libérer une collègue qui a des enfants », raconte Élise Duchesne.

Pendant 12 heures, inquiets, les membres de garde sont demeurés isolés chacun dans sa résidence, avec un réseau sans fil déficient et peu de nouvelles de leur employeur. « J’ai des vidéos de gens qui me parlent, qui pleurent, qui sont à bout », témoigne Élise Duchesne.

Pluie de cendres à Chibougamau.

La ville de Chibougamau, elle, était une ville fantôme même avant son évacuation en raison de l’épaisse fumée qui obligeait la population à demeurer à l’intérieur.

Si les membres du personnel de garde à domicile ont finalement eu l’autorisation d’évacuer la ville, les infirmières de garde à l’hôpital ont dû y demeurer alors que l’établissement était entouré de tranchées pour le protéger du feu.

« Elles ont le moral », rassure Élise Duchesne. Elle ajoute toutefois que, lorsqu’elles pourront partir, elles devront le faire par leurs propres moyens et avec un brasier aux portes de la ville.

Seront-elles payées?

Les membres du SIISNEQ-CSQ s’inquiètent. Celles qui ont dû fuir Chibougamau ignorent si elles seront tout de même payées par l’employeur. « On a été évacuées, mais on économise nos sous parce qu’on ne sait même pas si on va avoir une paie la semaine prochaine », déplore Élise Duchesne.

La déléguée syndicale rappelle que, dans le milieu scolaire, le personnel syndiqué auprès de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) « a déjà reçu la confirmation qu’il allait être payé à 100 %, sans pénalité. Nous, on fait les démarches pour Lebel-sur-Quévillon et Chapais depuis la semaine passée, et l’employeur ne nous confirme même pas qu’on va avoir un minimum de paie. »

En attendant une réponse de l’employeur, Élise Duchesne tente de demeurer en contact avec ses collègues restées au Centre de santé de Chibougamau. La communication est toutefois difficile, les lignes téléphoniques étant toujours occupées. La dernière conversation vidéo n’a pas non plus duré très longtemps. 

L’entraide, au rendez-vous

Malgré le contexte difficile, la population évacuée reçoit une vague de solidarité à son endroit en provenance de la Jamésie et du Saguenay–Lac-Saint-Jean en entier. Roberval et Saguenay ont ouvert leurs portes aux personnes évacuées, offrant de la nourriture et des lieux d’hébergement.

Appel à la générosité

En soutien aux citoyennes et citoyens affectés par les inondations des dernières semaines et les incendies de forêt des derniers jours, la CSQ a fait don de 10 000 $ à la Croix-Rouge canadienne.

Les personnes qui souhaitent venir en aide aux personnes touchées par les feux de forêt au Québec peuvent également contribuer au Fonds de secours de la Croix-Rouge.

Photos: Claudit Bilodeau