Société

États-Unis de Trump : quand la politique américaine déborde nos frontières

21 octobre 2025

S’adonnant à la politique-spectacle, Donald Trump maîtrise l’art d’attirer les projecteurs. Son administration occupe-t-elle trop de place dans l’espace médiatique? Et ses politiques influencent-elles le Québec?

Par Anne-Marie Tremblay (collaboration spéciale)

La façon de faire de Donald Trump en politique est sans précédent chez nos voisins du Sud, a rappelé Valérie Beaudoin, chercheuse associée à l’Observatoire sur les États‑Unis de la Chaire Raoul-Dandurand. « Dès son arrivée au pouvoir, il publiait des messages sur la politique en pleine nuit. Au début de son premier mandat, je commentais ses tweets chaque jour dans les médias. C’était à ce point », rappelle celle qui était invitée au premier épisode de la quatrième saison du balado Prendre les devants.

La fascination des gens pour Donald Trump ne s’est pas démentie depuis. « Je pense que, si on en parle autant, c’est vraiment à cause de son caractère, poursuit Valérie Beaudoin. Tous les jours, c’est une boîte à surprises. » Et dans le cadre de son deuxième mandat, le président américain teste les limites de son pouvoir sur l’armée, la constitution ou le pouvoir judiciaire, observe l’analyste. L’administration de Trump « se dit qu’au pire, ces questions se rendront jusqu’en Cour suprême, créant ainsi une jurisprudence permettant de faire, ou pas, ce qu’on veut ».

Un président qui attire l’attention médiatique

L’administration de Trump inonde aussi les médias, une stratégie pour étourdir les journalistes et l’opinion publique. Cette omniprésence se répercute de ce côté-ci de la frontière. « Serions-nous devenus le 51e état de notre propre gré? », a d’ailleurs demandé Véronique Hivon sur la plateforme X. L’ancienne députée du Parti québécois, avocate et chroniqueuse, également invitée au balado, réagissait ainsi à la couverture de l’annonce du président Trump qui reliait Tylenol et autisme sans preuve scientifique.

En plus d’avoir interrompu la programmation régulière pour diffuser le point de presse du président américain en direct sur les chaînes d’information continue, la nouvelle a ensuite été relayée à la une du téléjournal. Véronique Hivon remet en question l’intérêt public d’aller aussi loin dans cette couverture, au détriment de l’actualité québécoise. D’ailleurs, selon le plus récent rapport d’Influence Communication, Trump accaparerait 12 % de l’attention médiatique et le premier ministre Mark Carney, 2 %, cite Véronique Hivon. « C’est un peu comme si nous étions dans une spirale et que nous n’arrivions plus à faire la part des choses. »

Valérie Beaudoin et Véronique Hivon lors de l’enregistrement du balado Prendre les devants.

Or, la ligne est mince, alors que plusieurs décisions prises aux États-Unis ont un impact ici ou, du moins, soulèvent des débats importants. « Je pense que cela peut nous aider à comprendre sur quoi il faut demeurer vigilant, comme la liberté académique, note Valérie Beaudoin. De plus, il y a tellement de désinformation sur les réseaux sociaux que les médias doivent avoir un rôle pour justement remettre cela en perspective. » Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas trouver le juste équilibre, note Véronique Hivon.

Des impacts sur la politique québécoise

S’il est difficile de mesurer l’influence réelle de Trump, Véronique Hivon observe certains changements ici, tant sur la manière de faire de la politique, que sur les enjeux mis de l’avant. Par exemple, tant au Québec qu’au Canada, l’échiquier politique se déplace vers la droite, constate-t-elle. L’ancienne politicienne note aussi un changement de ton de la part du premier ministre du Québec, François Legault : « On voit que, pour remonter dans les sondages, il a ciblé certains ennemis, comme les médecins, les syndicats, la bureaucratie. »

Ce type de discours, qui mise sur la division et simplifie les enjeux, est plus fréquent chez nos voisins du Sud. De même, les gouvernements justifient certaines décisions – comme limiter les efforts environnementaux ou augmenter les dépenses dans la défense – sur celles des États-Unis, ajoute-t-elle.

Et qu’en est-il de la liberté d’expression, notamment dans le milieu académique? Si la prudence reste de mise, Véronique Hivon souligne que la comparaison avec les États‑Unis à ses limites : « Ils ne sont pas le Québec ni le Canada. » D’autant que plusieurs mécanismes existent ici pour garantir ces droits fondamentaux. « Néanmoins, rien n’est jamais acquis, rappelle-t-elle. Il faut s’assurer que cette valeur demeure solidement ancrée dans notre société. »

Écouter l’épisode du balado

Le premier épisode de la saison 4 du balado Prendre les devants est disponible sur votre plateforme d’écoute préférée ou en format vidéo ici :