Le travail invisible
La sphère reproductive, abordée dans le deuxième épisode, regroupe des activités souvent qualifiées d’invisibles, car elles se déroulent en marge de l’économie formelle et ne figurent pas dans nos indicateurs économiques, comme le produit intérieur brut (PIB).
La chercheuse de l’IRIS, Eve-Lyne Couturier, rappelle que le PIB est un indicateur imparfait, car il ne permet pas de capter les coûts évités grâce à la prévention ou à la prise en charge de nos proches.
Nous ne pouvons parler du prendre soin et de l’accompagnement sans aborder ce travail invisible, largement assumé par les femmes, effectué au quotidien et souvent non rémunéré ou sous-rémunéré. L’absence de ce travail dans nos indicateurs économiques influence la perception sociale que nous avons de ces emplois. Les services publics, malgré tous les bienfaits qu’ils apportent à la santé et le bien-être de la population, sont vus par l’État comme une dépense, ce qui les rend vulnérables aux compressions.
Lorsque l’État procède à des coupes claires ou comprime les dépenses dans les services publics, les travailleuses, majoritaires dans ces secteurs, se retrouvent à faire plus avec moins, au travail comme à la maison, où les services disparus se transforment en travail invisible supplémentaire.
La conciliation famille-travail
Le Québec a été avant-gardiste sur plusieurs plans concernant la conciliation famille-travail, notamment avec la mise en place du réseau des services éducatifs à l’enfance, qui a permis à de nombreuses femmes de demeurer sur le marché du travail malgré l’arrivée d’enfants.

Cette participation accrue des femmes sur le marché du travail montre que des mesures de conciliation structurantes peuvent être un gage de succès. Cependant, les conflits de conciliation entre les différents rôles sont bien présents chez les parents au Québec, et ce, dans une proportion plus élevée chez les femmes. Par exemple, 53 % des pères d’enfants de moins de cinq ans qui occupent un emploi affirment vivre peu de conflits de conciliation travail-famille, contre seulement 36 % des mères. À l’inverse, 25 % des mères disent vivre des conflits élevés, comparativement à 15 % des pères.

Source : CONSEIL DU STATUE DE LA FEMME. Portrait des Québécoises – Édition 2022. La situation familiale.
Un partage inéquitable des responsabilités familiales
Bien qu’il ne soit pas rare aujourd’hui que les deux parents travaillent, le partage des responsabilités liées aux soins aux enfants et à la famille demeure inégal. De nombreux parents doivent également composer avec des responsabilités de proche aidant, une réalité qui touche la « génération sandwich ».
Cette répartition inégale des tâches selon le sexe peut influencer le nombre d’heures travaillées et rémunérées ainsi que les types d’emplois occupés. Dans cet épisode du balado, la présidente-directrice générale de l’Institut du Québec, Emna Braham, aborde la « porte de verre », un phénomène qui empêche les femmes d’accéder à des postes mieux rémunérés.
Pourquoi? Parce que ces emplois se trouvent souvent dans des milieux de travail moins accueillants en matière de conciliation ou encore parce que la culture d’entreprise valorise des modèles de carrière « plus masculins ».
Cet exemple illustre l’importance de la mise en place de mesures de conciliation famille-travail afin de tendre vers un monde du travail plus égalitaire.
Entamer le dialogue pour une meilleure conciliation
Bien évidemment, mettre en place des mesures de conciliation exige d’aller au-delà des simples mesures individuelles : il faut un réel cadre de conciliation.
Dans cet épisode, la professeure en droit du travail à l’École des relations industrielles de l’Université de Montréal, Dalia Gesualdi-Fecteau, propose de revoir les normes en matière de temps et de lieu de travail. Par exemple, lorsque le personnel enseignant répond à un courriel de parent à la maison en soirée, cette personne effectue bel et bien du travail, et ce, à l’extérieur de l’horaire prévu et du lieu de travail. Avec toutes les modifications survenues en matière d’organisation du travail, ne serait-il pas temps de réfléchir sérieusement à cette question?
Professeure en santé et sécurité du travail à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal, Mélanie Lefrançois propose, quant à elle, d’utiliser des structures déjà en place, comme les comités de santé et sécurité au travail, afin de discuter des enjeux de conciliation. Il ne s’agit pas pour ces comités de déterminer les mesures à mettre en place, mais plutôt d’identifier les moyens permettant d’éviter les conflits de travail, en traitant par exemple de charge de travail et de l’horaire.
Chose certaine, reconnaître et valoriser l’impossible que tant de personnes accomplissent chaque jour pour prendre soin de notre monde, c’est le plus bel investissement collectif.
Entrevues avec des spécialistes sur le terrain
Marie-Lise Favreau, aide pédagogique individuelle au Cégep de Sherbrooke
Marina Beaudoin, enseignante en première année du primaire
Entrevues avec des spécialistes en recherche
Emna Braham, présidente-directrice générale à l’Institut du Québec
Dalia Gesualdi-Fecteau, professeure en droit du travail à l’École des relations industrielles de l’Université de Montréal
Mélanie Lefrançois, professeure en santé et sécurité à l’École des sciences de la gestion du travail à l’UQAM
