Une division inégalitaire du monde du travail
Avez-vous déjà entendu parler de la division sexuelle du travail? Cette notion – utilisée à divers moments dans l’histoire, mais dont la définition qui nous intéresse vient de femmes anthropologues – ne renvoie pas à une complémentarité entre les tâches des femmes et celles des hommes, mais à une répartition inégalitaire et hiérarchisée du travail.
« La division sexuelle du travail est la forme de division du travail social découlant des rapports sociaux de sexe; cette forme est modulée historiquement et socialement. Elle a pour caractéristique l’assignation prioritaire des hommes à la sphère productive et des femmes à la sphère reproductive ainsi que, simultanément, la captation par les hommes des fonctions à forte valeur sociale ajoutée (politique, religieuse, militaire, etc.).
Cette forme de division sociale du travail a deux principes organisateurs : le principe de séparation (il y a des travaux d’hommes et des travaux de femmes) et le principe hiérarchique (un travail d’homme « vaut » plus qu’un travail de femmes). »
Source : KERGOAT, D. (2001). « Division sexuelle du travail et rapports sociaux de sexe », dans BISILLIAT, Jeanne, et Christine VERSCHUUR, Genre et économie : un premier éclairage, Genève, Graduate Institute Publications, p. 78-88.
Les emplois du prendre soin et de l’accompagnement appartiennent donc à cette sphère dite reproductive. Pendant de nombreuses décennies, ces activités reproductives relevaient surtout de la sphère privée, c’est-à-dire de l’espace domestique : les femmes prenaient soin des enfants et de la famille, tandis que les religieuses œuvraient dans les hôpitaux. Même si ce dernier milieu n’était pas à proprement parler « privé », les soins prodigués par les religieuses étaient perçus comme une vocation, non comme une profession.
Avec les mouvements de libération des femmes et les transformations sociétales, les femmes occupent aujourd’hui une place importante sur le marché du travail. Nous constatons cependant qu’elles demeurent encore bien campées dans les emplois du prendre soin et de l’accompagnement, comme si les tâches accomplies jadis dans la sphère privée s’étaient transposées dans le monde du travail.
Bien que de nombreux efforts aient été faits dans les dernières années pour tendre vers une plus grande mixité en emploi, nous constatons que les progrès sont lents (voir la figure 1). Cette stagnation de la mixité sur le marché du travail s’explique par plusieurs facteurs, dont certains seront approfondis dans les sections suivantes.

Figure 1 – Proportion de femmes en emploi selon le secteur d’activité, Québec, 1999 et 2019.
Source : Portrait des Québécoises – Édition 2020 – Femmes et économie du Conseil du statut de la femme.
Les stéréotypes de genre
Les stéréotypes de genre renvoient à des caractéristiques, des traits de personnalité et des comportements qui, de façon générale, sont attribués au féminin et au masculin.
Les stéréotypes peuvent sembler inoffensifs, mais ils influencent profondément les choix de vie de l’ensemble de la population. Des données indiquent que plus l’adhésion aux stéréotypes est forte, plus les performances des élèves diminuent, et ce, sans égard au sexe. De plus, il faut plus d’efforts pour noter, conserver et valoriser une information contre-stéréotypée.
La socialisation de genre
Le genre est la première catégorie sociale à laquelle nous appartenons. Avant même la naissance de l’enfant, son sexe prend une place importante dans la tête des parents et de la famille. Pensons seulement aux fêtes de révélation de genre qui sont organisées afin de dévoiler le sexe de ce bébé à venir. Dès ce moment, l’imaginaire des parents et de la famille est teinté des stéréotypes de genre associés au sexe de l’enfant à naître.

Source : DAFFLON NOVELLE, A. (2004). Socialisation différentielle des sexes : quelles influences pour l’avenir des filles et des garçons? dans Le genre en vue, Conférence Suisse des déléguées à l’égalité, projet des places d’apprentissage 16+.
Il est assez difficile de ne pas adhérer à ces stéréotypes de genre, puisqu’ils sont présents très tôt dans la vie de l’enfant. Les jouets, les livres et les dessins animés ne sont pas neutres. L’enfant sera, au quotidien, confronté à ces stéréotypes qui influenceront la construction de son identité sexuée et ce qu’il considérera comme féminin et masculin. Cette influence se poursuivra en milieu scolaire et même à l’âge adulte.
Le psychologue Pierre Tap affirme que « l’enfant en vient donc à aimer ce qu’il a le droit ou la possibilité de posséder, à apprécier les jouets qui peuvent être siens, et à rejeter les jouets qui ne font pas partie de son champ d’appropriation ».
Cette influence ne s’arrête pas aux jouets : elle touche de nombreuses sphères de notre vie.

Comment lutter contre les stéréotypes?
La première étape consiste à prendre conscience de nos propres biais. Pour ce faire, Il faut s’observer, réfléchir à nos comportements et reconnaître notre rôle de modèles, tant auprès des enfants que dans notre entourage.
Voici des ressources pour vous aider dans cette quête d’égalité :
Entrevues avec des spécialistes sur le terrain
Mélanie Déziel-Proulx, technicienne en éducation spécialisée à l’école de la Colline en Outaouais
Ginette Bibeau, conseillère en intégration sociale pour le service soutien aux familles à l’organisme Promis
Entrevue avec une spécialiste en recherche
Isabelle Plante, professeure au Département de didactique de l’UQAM et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les différences de genre à l’école
