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Sécurité du personnel négligée : le SIIIAL-CSQ sonne l’alarme
20 août 2025
Depuis l’introduction des seringues préremplies injectables Noromby, dans un centre de réadaptation à Laval, les travailleuses et travailleurs de la santé sont confrontés à un grave problème pour leur santé et leur sécurité. Malgré les dénonciations répétées du SIIIAL–CSQ et la reconnaissance du danger par les représentants du CISSS de Laval, aucune mesure concrète n’a été prise par la CNESST malgré une plainte formelle.
Par Léanne Fiset-Gingras, stagiaire aux communications
Noromby : même molécule, nouveau danger
Utilisé depuis des années pour prévenir les phlébites et/ou embolie pulmonaire en postopératoires, le médicament anticoagulant Lovenox a été remplacé par un générique bioéquivalent, le Noromby. Si la molécule est la même, c’est le mécanisme d’injection des nouvelles seringues qui pose un réel problème : dans environ 80 % des cas, le système de protection du ressort de la seringue qui protège les travailleurs ne fonctionne pas correctement ou pas du tout.
Certaines « explosent » en hauteur ou vers le sol ou dans les mains des travailleuses au moment de l’injection, pouvant projeter l’aiguille vers le visage, les yeux, la main ou autres du personnel. D’autres ne rétractent pas l’aiguille comme prévu. Le personnel soignant, qui doit administrer jusqu’à 68 injections par jour seulement dans ce centre dû au type de clientèle postchirurgie du genou, de la hanche ou après un AVC, est ainsi exposé à des risques graves, allant de piqûres accidentelles à des suivis médicaux lourds et stressants postexposition, incluant la trithérapie (pour le VIH) en cas de contact avec du sang contaminé d’un patient.
L’inaction des autorités
Malgré une enquête interne et la reconnaissance explicite de l’employeur quant au danger, la CNESST a refusé d’émettre une ou des dérogations afin de forcer le fournisseur à changer le mécanisme d’administration. Cela complique toute possibilité d’une plus grande pression exercée par l’équipe de la pharmacie, contre Santé Canada ou le fabricant Juno Pharmaceutique.
La pharmacienne en cheffe du centre a elle-même déposé des plaintes officielles sur les dysfonctionnements répétés des seringues auprès de Santé Canada et du fabricant Juno.
En retour, Santé Canada se déresponsabilise, affirmant que le mécanisme d’injection n’entre pas dans son champ de compétence et que son rôle se limite à l’analyse de la molécule pharmaceutique à être inoculée à la population.
Une bataille isolée
Selon la compagnie, Laval serait une des seules régions à soulever des problèmes avec ces seringues. Or, la fréquence élevée des injections dans ce centre pourrait expliquer pourquoi les défaillances y sont plus nombreuses et la problématique davantage soulevée par les travailleurs.
À ce jour, certains travailleuses et travailleurs ont été piqués et une autre personne a failli recevoir une seringue souillée dans l’œil, provenant d’un patient à risque qui avait le VIH. « On n’a pas besoin d’attendre que le pire arrive pour agir », exprime Déreck Cyr, président du syndicat des infirmières, inhalothérapeutes et infirmières auxiliaires de Laval (SIIIAL-CSQ).
L’enjeu n’est pas hypothétique : 15 % des seringues sont problématiques, selon les propres chiffres de l’employeur fournis à la CNESST et au syndicat lors de la plainte.
Trois ans de dénonciations sans changement
Malgré environ trois ans de revendications, la situation stagne. Le dossier est maintenant devant le Tribunal administratif du travail (TAT), où la juge a suggéré d’impliquer le procureur général du Québec, étant donné que l’avis de l’Institut national de santé publique recommande désormais l’utilisation du Noromby pour des raisons économiques. « On aurait aimé que la CNESST mette ses culottes et aille de l’avant avec la dérogation qui demande au fabricant de changer les seringues dans un délai raisonnable. Ça fait près de trois ans que ça dure, ça n’a pas de sens », déplore Déreck Cyr.
À la place, la CNESST a accepté la proposition de l’employeur, qui est de mettre les bacs à aiguilles souillées plus près du personnel, ce qui ne règle pas le problème à la source, lorsqu’une seringue explose dans les mains d’un membre du personnel ou que celle-ci est éjectée du prétendu mécanisme de sécurité, le bac ne sert à rien.
La sécurité du personnel ne devrait pas être optionnelle
Pour le SIIIAL–CSQ, il est inacceptable que la santé et la sécurité de ses membres soient compromises au nom d’économies. Tant que le mécanisme d’injection posera un risque, les revendications se poursuivront : le personnel a droit à des outils de travail sécuritaires en tout temps et ne pas craindre de contracter le VIH ou une hépatite pendant leur journée de travail.