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Coupes, surcharge et silence : l’été sous pression pour les infirmières, infirmières auxiliaires et inhalothérapeutes à Laval

30 juillet 2025

« Planification d’effectif qui n’est pas réaliste, chaleur accablante qui engorge les urgences, surcharge de travail dans les équipes déjà épuisées et postes coupés, la situation des services et des soins de santé à Laval est loin d’être stabilisée durant l’été. »

Par Laurianne Veilleux, conseillère aux communications

Alors que l’été est déjà bien entamé au Québec, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) s’est entretenue avec Déreck Cyr, président du syndicat des infirmières, inhalothérapeutes et infirmières auxiliaires de Laval (SIIIAL-CSQ).

Un été loin d’être tranquille

« Le personnel travaille dans un climat d’austérité constant. Tout est sous pression durant l’été et les impacts sont de plus concrets dans les milieux de soins. », explique le président du SIIIAL-CSQ, une organisation syndicale qui représente plus de 3600 membres, pratiquant des soins infirmiers et d’inhalothérapie, sur l’ensemble du territoire de l’île de Laval.

Rappelons que le réseau de la santé à Laval fait face à une pression budgétaire sans précédent : alors que Santé Québec demande de couper 3 % du temps de travail sur le plancher pour l’ensemble des milieux de prestations de soins, 56 postes d’infirmières et d’infirmières auxiliaires ont été abolis, dont plus de 50 % en CHSLD et dans les Maison des Aînés (MDA). « Un manque d’effectif sur le plancher, ce sont des soins de santé non-donnés aux personnes aînées. », dénonce Déreck Cyr.

Le terrain sous haute tension

Pour arriver à atteindre son budget, le CISSS de Laval a annoncé à ses membres que l’employeur ne comblerait dorénavant plus les absences en CHSLD et en MDA, que ce soit pour des raisons de maladie, pour une journée de vacances et même pour un congé de maternité.

« Lorsqu’arrive la période estivale, nous savons que nous allons devoir traverser 18 semaines de précarité. La décision de la direction du SAPA-Hébergement (Soutien à l’Autonomie des Personnes Âgées) de ne pas offrir des postes aux personnes disponibles à temps régulier crée une énorme pression et occasionne des risques psychosociaux sur les travailleuses et les travailleurs. », poursuit le leader syndical.

Conséquences pour les usagers

Plus encore, la surcharge de tension dans les équipes n’est pas un mythe, selon l’infirmier de formation: « Les infirmières doivent travailler deux fois plus, car elles sont surchargées. Il existe une liste de soins qui ne peuvent pas être octroyés à nos aînés, en raison du manque de personnel. Celle-ci inclut des bains non-donnés et des tâches essentielles ignorées, comme les suivis des évaluations. »

« On demande aux travailleuses et aux travailleurs de faire des déclarations de situations dangereuses lorsqu’ils sont en déficit sur la composition des équipes de soins, établie par la Direction des soins infirmiers. Les risques ne sont plus seulement physiques, ils sont maintenant psychologiques. Ces déclarations agissent comme une preuve écrite directe auxquelles l’employeur n’a d’autre choix que de répondre par écrit dans les 72 heures ouvrables. », explique Déreck Cyr.

Risques exacerbés pour les personnes aînées

La décision de ne plus combler les absences par l’employeur apporte beaucoup plus qu’une simple surcharge de travail. « Les personnes aînées sont plus à risque de développer de la comorbidité associée à long terme, tout comme les patients ayant un déficit cognitif qui sont plus à risque de chutes et de fractures. », rappelle Déreck Cyr.

Trois enjeux clés qui alimentent la crise

La crise que connaissent les membres du SIIIAL-CSQ alimente un climat anxiogène au travail. Le budget de 2,6 millions de dollars qui a été alloué à la FSQ-CSQ pour réduire les listes d’attente des patients de plus d’un an, notamment dans des secteurs clés comme l’hémodynamie, l’endoscopie et la chirurgie d’un jour, n’est toujours pas déployé, selon le président.

Incohérence entre promesses et réalité sur le terrain, Déreck Cyr déplore le déploiement bloqué : « L’employeur nous répond que le logiciel ne fonctionne pas encore, qu’il faut attendre et être patient. Ce sont des fonds qui devraient bénéficier dès maintenant à la population lavalloise. »

Gestion centralisée, impacts locaux

L’arrivée de Santé Québec a bouleversé l’écosystème de santé des Lavalloises et des Lavallois. « Depuis l’annonce des coupes, nous avons perdu 10 lits hors des unités de chirurgies normales. Alors que nous pouvions faire fonctionner les 11 salles de chirurgie à l’époque, nous sommes désormais limités à 9 ou 10 salles, certains jours, faute d’espace pour accueillir les patients de court séjour. Cela entraînera nécessairement un allongement important des listes d’attente. » poursuit, le président du SIIIAL-CSQ.

Par ailleurs, des postes uniques à Laval ont été coupés et Déreck Cyr s’inquiète profondément de l’impact de cette décision : « À Laval, deux infirmières centrales de soins comptant plus de 30 ans d’expérience ont perdu leur poste de nuit. Elles connaissaient l’ensemble de l’hôpital et elles étaient déployées rapidement pour prêter main-forte aux plus jeunes équipes. Ce que les syndicats craignaient, est en train de se matérialiser à Laval actuellement. La réalité des régions n’est pas prise en compte dans l’uniformisation des pratiques imposée par Santé Québec, point final. »

Vacances estivales : des appels en continu

En terminant l’entrevue, le leader syndical nous apprend que le personnel infirmier et en inhalothérapie subit des appels incessants pour combler le manque de personnel, malgré leur non-disponibilité et leurs vacances annuelles. « Ce qu’on appelle ici des « appels SOS », pour moi, il est clair que c’est synonyme d’harcèlement. Nos membres méritent leur congé et leurs vacances sans être dérangés. », dénonce Déreck Cyr.

« L’employeur utilise le temps supplémentaire obligatoire (TSO) comme menace pour culpabiliser les infirmières et les faire rentrer travailler. C’est du harcèlement moral déguisé et personne ne devrait accepter une telle situation. »

Une population et un personnel à risque

Déreck Cyr suit de près les enjeux qui guettent le SIIIAL-CSQ et demeure sensible à la réalité estivale qui touche la région de Laval. Il appelle à l’action en donnant la parole à ses membres, car selon lui : « Les choix politiques qui ont des effets sur le réseau public doivent inévitablement prendre en compte l’expertise des équipes sur le terrain. »