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Côte-Nord : des soins de santé fragiles durant la période estivale

9 juillet 2025

« La situation des services et des soins de santé sur la Côte-Nord demeure très fragile en ce début de période estivale. Officiellement, il n’y a pas de crise grave comme par le passé, mais le manque de personnel demeure un problème sérieux qui a des conséquences bien réelles sur les soins à la population. »

La présidente du Syndicat des intervenantes et intervenants de la santé du Nord-Est québécois (SIISNEQ-CSQ), Karine Ouellet-Moreau, explique d’ailleurs que le recours à la main-d’œuvre indépendante (MOI), même s’il a diminué demeure tout de même une réalité, faute de personnel en nombre suffisant pour répondre aux besoins.

« La direction du Centre intégré de santé et de services sociaux de la Côte-Nord (CISSS de la Côte-Nord) se dit confiante de ne plus avoir besoin de MOI, d’ici 2026, comme l’exige la Loi 10, mais il y a lieu d’en douter puisqu’on ne nous dit pas comment on pense pouvoir y parvenir. Espérons que ce ne sera pas le même genre de solution que celle adoptée pour diminuer le temps supplémentaire obligatoire (TSO), à savoir la fermeture de départements, rien de moins », commente Karine Ouellet-Moreau.

Centre mère-enfant à l’avenir incertain

Parmi les services les plus vulnérables, cette dernière mentionne le centre mère-enfant de Sept-Îles, où seulement quatre postes sont actuellement comblés sur un total de vingt-sept. On parle donc de 23 postes qui restent inoccupés. « C’est très inquiétant. Au cours des derniers jours, on a même dû procéder à la fermeture de la pouponnière et des soins intensifs pédiatriques. Il y a quelques semaines, on a même dû transférer une future maman vers le centre mère-enfant de Baie-Comeau. À ce dernier endroit, la situation du centre est stable pour l’instant, mais on a connu un bris de service, il y a quelque temps, et l’avenir là aussi demeure incertain. Cela crée beaucoup de stress chez les futures mamans et chez le personnel. On craint vraiment de perdre cette spécialité, ce qui serait catastrophique pour les femmes de la Côte-Nord », affirme la présidente du syndicat.

Des initiatives d’attraction et de rétention du personnel en attente

L’attraction et la rétention du personnel sont donc un défi qui demeure crucial au CISSS de la Côte-Nord. « Pour y arriver, nous avons obtenu, lors de la dernière négociation, un montant forfaitaire de 2 millions de dollars à la FSQ afin de réaliser, conjointement avec la direction, des projets à cette fin. Le but est de réussir à attirer une relève qui permettrait au moins de combler notre structure de base. Malheureusement, le processus de recrutement n’est pas encore enclenché, car il restait à compléter le contrat d’engagement pour les futurs employés qui devrait être fait au cours des prochains jours », déplore Karine Ouellet-Moreau.

« Ce n’est pas rassurant quand on sait que, lors de la négociation précédente, nous avions reçu un montant semblable qui n’a jamais été utilisé faute d’entente avec le Comité patronal de négociation du secteur de la santé et des services sociaux (CPNSSS) sur les projets à réaliser. Espérons que cela ne se reproduira pas, car la Côte-Nord, pas plus que le Nord du Québec, ne peut se priver de cette aide financière pour attirer un personnel en soins infirmiers supplémentaire dont on a tant besoin. D’autant plus que ce personnel serait appelé à pourvoir des postes aux urgences et aux centres mère-enfant, où les besoins sont les plus criants. »

Une incertitude qui pèse lourd

La présidente du SIISNEQ-CSQ ajoute que les interruptions de services et l’incertitude quant à leur maintien ont des impacts réels dans la communauté. « L’an dernier, il est arrivé que deux urgences en haute Côte-Nord étaient en bris de service en même temps. Les gens étaient obligés de faire environ 200 kilomètres de route pour avoir accès à des soins de santé. À un autre moment, la région a eu droit à un nouveau véhicule ambulancier parce qu’il n’y en avait pas suffisamment. Malheureusement, on n’a jamais trouvé d’ambulancier pour le conduire. »

Karine Ouellet-Moreau soutient que ces situations pénibles finissent par heurter l’économie locale et le développement régional. « Il est évident que les gens hésitent à venir s’établir dans une région qui peine à maintenir ses services de santé de base. Il en va de même d’une partie de la population vieillissante qui, de peur de ne pas avoir accès aux services et aux soins de santé dont elle aura besoin, songe à quitter la Côte-Nord. »

Une polyvalence risquée

Pour compenser le manque de personnel, les travailleuses et travailleurs en poste doivent mettre les bouchées doubles. « Les infirmières, les infirmières auxiliaires et les inhalothérapeutes n’ont pas le choix que de se montrer plus polyvalentes, jusqu’à devoir sortir parfois de leur propre champ de compétences. Par exemple, il n’est pas rare que, durant les horaires de soir et de nuit, elles doivent également remplir des tâches administratives pour compenser l’absence du personnel normalement affecté à cette fin, » explique la leader syndicale.

Ce qui n’est pas sans poser des risques pour la population comme pour les infirmières, les infirmières auxiliaires et les inhalothérapeutes. « Lorsqu’on demande au personnel en soins de prendre sous sa responsabilité plus de patients et de voir à d’autres tâches qu’habituellement, le risque d’erreur augmente. Sans compter que la fatigue et le stress sont aussi plus présents. »

Des régions semblables

Pour ce qui est du Nord du Québec, « la rareté du personnel est là aussi un défi de tous les jours, notamment à l’urgence de Chibougamau où la pénurie est importante. L’état d’esprit de nos membres est semblable dans les deux régions : toutes ressentent une grande lassitude et ne croient plus à une amélioration tangible de leurs conditions de travail à court et à moyen terme. Un peu comme si l’inacceptable devenait de plus en plus la normalité », constate Karine Ouellet-Moreau.