Société

Pendant qu’on s’épuise, la droite récolte : conférence d’Émilie Nicolas au Congrès de la FPPE

19 juin 2025

Conférence coup-de-poing d’Émilie Nicolas au Congrès de la Fédération des professionnelles et des professionnels de l’éducation (FPPE-CSQ) : remettre du sens, sortir du brouillard.

Par Félix Cauchy-Charest, conseiller CSQ

La journaliste, chroniqueuse et animatrice n’a pas mis de gants blancs. Elle a nommé la réalité, sans filtre, sans politesse excessive. Émilie Nicolas n’a pas cherché à ménager les susceptibilités. Elle a creusé, a nommé et a mis à nu ce que tant de professionnelles et de professionnels de l’éducation vivent tous les jours : l’impression de se battre seuls contre une machine froide, déconnectée, qui préfère les colonnes de chiffres aux besoins des enfants.

Le vernis craque : sous la gestion, le mépris

Ce qui ressort d’abord, c’est une colère lucide. On entendait les murmures d’approbation, pendant que la conférencière dénonçait un État de plus en plus autoritaire, qui cache ses incompétences derrière la multiplication de règlements. Une technocratie qui impose des objectifs sans fournir les moyens, qui exige des résultats sans comprendre les enjeux, et qui réduit l’action publique à un jeu de tableaux Excel.

On impose des diagnostics, pas pour aider, mais pour prouver qu’il faut aider. On réduit les élèves à des cases à cocher. Et pendant ce temps, les professionnelles et professionnels courent. Ils se déchirent entre le devoir moral de répondre aux besoins des enfants et la machine comptable qui les traite comme des ressources jetables.

Le mot qui revient : épuisement. Pas seulement de travailler trop, mais de travailler à vide. De se faire dire qu’ils devraient en faire plus, alors qu’ils donnent déjà ce qu’ils n’ont plus.

Approche disciplinaire, gestion de la misère

Émilie Nicolas n’a pas tourné autour du pot : on criminalise les problèmes sociaux. L’itinérance, la pauvreté, les besoins criants des jeunes deviennent des menaces à neutraliser. Le système s’est construit sur la défiance : on centralise, on retire les marges de manœuvre, on infantilise les professionnelles et professionnels. Les ministères n’ont plus confiance en celles et ceux qui sont sur le terrain.

Et tout ça, pourquoi? Pour donner l’illusion qu’on contrôle encore quelque chose. Pour faire croire à la population qu’on est aux commandes, pendant que les systèmes publics s’effondrent lentement, mais sûrement.

Les miettes qu’on se lance à la figure

Le néolibéralisme, ce n’est pas une théorie. C’est une réalité concrète qui pousse les gens à se battre entre eux pour des miettes, pendant qu’on perd de vue la mission commune. « Diviser pour régner » n’a jamais été aussi rentable.

À force de manquer de tout, on se compare. On se jalouse. On se replie. On regarde l’autre comme un rival, pas comme un allié. Et pendant qu’on cherche un coupable autour de nous, la droite, elle, laboure. Elle prépare son terrain, elle peaufine ses arguments, elle infiltre le langage public avec ses obsessions de performance, de mérite, de responsabilisation individuelle.

Pendant qu’on s’épuise, ils avancent

Mais le message d’Émilie Nicolas n’était pas désespéré. Il était surtout lucide. Et appelait à un réveil. Les syndicats, a-t-elle rappelé, doivent redevenir des lieux de résistance politique. Pas seulement pour défendre les conditions de travail, mais pour porter un projet de société, pour faire de l’éducation populaire. Pour créer des espaces où on peut enfin nommer ce qui nous ronge, et décider, ensemble, d’y mettre fin.

Le nerf de la guerre, c’est l’organisation. Syndiquer. Parler. Témoigner. Et surtout, refuser de croire qu’on est seuls. Lutter contre le sentiment d’impuissance, contre l’isolement, contre l’idée fausse que personne ne nous comprend.

Ce n’est pas en répondant aux exigences d’un système malade qu’on va le guérir. C’est en le dénonçant. En le contournant. En le transformant.

Creux de vague… ou début de renaissance?

On l’a senti dans la salle : on est dans un creux. Une période de fatigue, de retrait, mais les graines sont là. Éparpillées dans les écoles, dans les milieux, dans les conversations au travail, dans les événements informels, autour d’un café.

L’ambiance est peut-être lourde, mais le terreau est fertile. Et si on se fie aux commentaires des déléguées et des délégués dans la salle, il y a un appétit : celui de ne plus accepter l’inacceptable. Celui de sortir du brouillard. Celui de retrouver la rage de penser autrement.