Société
« L’Art est humain! » : un manifeste pour défendre la création à l’ère de l’IA
18 juin 2025
Face à la montée fulgurante de l’intelligence artificielle (IA) générative dans nos vies, une coalition inédite de syndicats et d’organismes culturels, dont fait partie la CSQ, tire la sonnette d’alarme. Le message est clair : l’art est essentiellement humain et il faut le protéger.
Par Félix Cauchy-Charest, conseiller CSQ
Le manifeste
Le manifeste L’Art est humain!, lancé à l’occasion du symposium Face à l’IA : Agir pour l’avenir de nos métiers, réunit les signatures de plus d’une vingtaine d’organisations du milieu syndical, artistique et culturel. Ensemble, elles dénoncent l’exploitation massive et non consentie d’œuvres créées par des humains pour entraîner des intelligences artificielles, souvent sans aucune compensation ni transparence.
La créativité pillée à grande échelle
Images, textes, voix, musiques : tout y passe. Des bases de données gigantesques alimentent des outils comme ChatGPT, Midjourney ou Sora, qui peuvent générer des œuvres dites « originales » à la chaîne. Mais ce que le manifeste met en lumière, c’est que ces IA ont d’abord appris à créer…, en copiant le travail des artistes!
Ce sont des milliers de travailleuses et travailleurs culturels, dont les contenus sont absorbés en toute opacité, souvent sans qu’ils le sachent et encore moins sans qu’ils soient rémunérés. « Chaque œuvre utilisée sans consentement, c’est une œuvre volée. Chaque emploi remplacé par une machine, c’est une expertise humaine qu’on efface », résume le manifeste.
Sept revendications pour un encadrement éthique de l’IA
Le texte présente sept revendications claires à l’intention des gouvernements fédéral et provincial. Il demande aux gouvernements :
1. d’exercer un leadership fort dans chacune des instances internationales où l’encadrement de l’utilisation de l’IA est étudié pour y défendre les enjeux spécifiques aux arts, à la culture et à la diversité des expressions culturelles;
2. d’appuyer sans ambiguïté le développement d’un protocole additionnel à la convention de l’UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Cette démarche nous apparaît comme la plus adaptée pour renforcer l’efficacité de la convention dans l’environnement numérique et face aux défis posés par l’IA;
3. de bâtir prioritairement un cadre réglementaire strict, impossible à contourner et encadrant le développement et l’utilisation de l’IA en veillant spécifiquement à protéger les droits individuels des personnes, les droits des travailleuses et travailleurs et les droits d’auteur des créatrices et créateurs. Nous demandons que le principe, « A.R.T. » (Autorisation, Rétribution, Transparence), guide les travaux d’encadrement et de révision des programmes de financement;
4. d’exiger des systèmes d’IA une transparence totale quant aux contenus utilisés pour l’entraînement des outils et leurs conditions d’utilisation et de rémunération;
5. de reconnaître et d’affirmer que la Loi sur le droit d’auteur vise à s’assurer que seul un humain puisse générer une œuvre ou une prestation protégée par le droit d’auteur;
6. de s’engager à ne jamais considérer la fouille de textes et de données (FTD) comme une exception possible à la Loi sur le droit d’auteur;
7. d’exiger que tout contenu généré par l’IA soit identifié comme tel aux yeux du grand public.
Ces demandes visent autant à protéger les conditions de travail dans le secteur culturel qu’à maintenir la diversité et l’authenticité des voix artistiques au Québec.
La CSQ solidaire des créatrices et des créateurs
En signant le manifeste, la CSQ affirme sa solidarité envers les travailleuses et travailleurs du milieu culturel, mais aussi son inquiétude face à l’élargissement des usages de l’IA dans tous les secteurs. Ce qui se joue ici dépasse les métiers de la culture.
À travers son engagement, la Centrale envoie un message fort : l’avenir du travail – qu’il soit créatif, éducatif ou soignant – doit rester profondément humain. Les dérives actuelles de l’IA ne sont pas une fatalité : elles peuvent être encadrées, régulées, et même orientées vers des usages éthiques, à condition qu’on s’en donne les moyens, collectivement.
Un appel à la mobilisation
Le manifeste est aussi un appel à l’action. En plus des grandes organisations culturelles, comme l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ), la Société des auteur.e.trice.s de radio, télévision et cinéma (SARTEC) ou l’Union des artistes (UDA), on retrouve parmi les signataires de nombreux syndicats québécois, dont la CSQ, la CSN et la FTQ. Toutes et tous invitent le public à signer à leur tour et à faire entendre leur voix. Car protéger l’art, c’est protéger notre humanité.
Pourquoi la CSQ signe le manifeste « L’Art est humain! »
Pour la CSQ, ce manifeste n’est pas qu’une affaire de culture : c’est une question de justice sociale et de respect du travail humain.
• Parce que les artistes, comme les enseignantes et enseignants, les éducatrices et éducateurs ou le personnel de la santé, effectuent un travail essentiel, souvent invisibilisé et sous-évalué.
• Parce que les technologies d’intelligence artificielle menacent non seulement les emplois dans les arts, mais aussi les conditions de travail dans tous les secteurs : automatisation, surveillance, précarité.
• Parce que des géants technologiques font des milliards en exploitant des contenus créés par des humains sans les rémunérer.
• Et surtout, parce que la CSQ défend une vision du travail basée sur l’équité, la reconnaissance et l’éthique. L’IA peut être un outil…, mais elle ne doit jamais remplacer l’humain ni effacer ses droits.