Syndicalisme

Édito du président | Ça va brasser?

10 juin 2025

Vraiment, Monsieur le Premier Ministre? Voilà une étrange façon de positionner votre gouvernement et d’aborder les prochains mois. Vous campez un terrain d’affrontement, mais avec qui exactement? Les travailleuses et les travailleurs? Celles et ceux qui ne sont pas d’accord avec les décisions et orientations du gouvernement?

François Legault a déjà maintes fois indiqué qu’il puiserait dans sa « réserve de courage » pour affronter les syndicats. Or, ce n’est pas de courage dont fait preuve le gouvernement, il s’assure surtout de faire taire celles et ceux qui ne pensent pas comme lui ou qui proposent des solutions différentes des siennes.

Les organisations syndicales du secteur public paient chèrement la dernière ronde de négociations. Le gouvernement oublie pourtant que ces négociations ont été menées pour et par des dizaines de milliers de travailleuses et de travailleurs. L’issue ne fait pas son affaire, qu’à cela ne tienne! Il change les règles du jeu. Comme si les problèmes dans nos réseaux ne relevaient que des négociations collectives et non pas des choix politiques du gouvernement. Casser du sucre sur le dos des syndicats pour changer le focus et éviter de parler de ce qui va mal dans nos réseaux, c’est une entourloupette élimée qui excède profondément le personnel en éducation, en petite enfance et en santé, notamment.

Le projet de loi no 69 sur l’énergie, adopté la semaine dernière sous bâillon, constitue également un bel exemple de contournement des processus démocratiques. On ne compte plus le nombre de groupes de la société civile et d’experts qui se sont opposés à ce projet de loi qui constitue pourtant une transformation majeure du paysage énergétique québécois. On se questionne sur le refus du gouvernement d’ouvrir le dialogue social sur cet enjeu stratégique, plutôt que de mettre fin aux débats pour imposer sa vision.

Il y a aussi l’exemple du controversé site d’enfouissement de Stablex à Blainville, qui a fait les manchettes pendant quelques semaines. Malgré l’opposition de la mairesse et des maires de la Communauté métropolitaine de Montréal, des groupes de citoyens et des règles gouvernementales déjà en place, le gouvernement a, malgré tout, déposé un projet de loi pour se donner le droit de faire ce que la loi ne lui permet pas.

Sans oublier les médecins. Qu’on soit d’accord ou non sur les tenants de cette négociation, n’empêche que le gouvernement passe par un projet de loi là aussi pour parvenir à ses fins. Est-ce que ce projet de loi améliorera concrètement l’accessibilité? Non, mais là encore, le gouvernement a choisi la voie de la diversion.

Après le printemps que nous venons de vivre et les multiples projets de loi controversés qui tombent en rafale, les déclarations du premier ministre en fin de semaine ont de quoi miner le moral et alimenter le cynisme. Et entendre que les organisations syndicales ne devraient pas pouvoir intervenir sur des enjeux sociaux, c’est franchement mal comprendre notre rôle… Ou trop bien, c’est selon.

Et sur quels enjeux ne devrait-on pas intervenir au juste? Le budget du Québec et le financement des réseaux publics? Les droits des femmes? Des membres de la communauté LGBTQ+? L’environnement et la transition énergétique? L’immigration et la francisation? Les listes d’attente trop longues en petite enfance pour avoir une place?

J’en reviens donc au courage. Celui de savoir écouter. De rallier aussi, et surtout. De trouver la voie de passage plutôt que de « bulldozer ». Être courageux, c’est aussi savoir prendre les bonnes décisions, même quand elles impliquent de se remettre en question.

On reproche continuellement aux organisations syndicales de porter un message négatif dans l’espace public. Disons qu’il est franchement difficile de faire du syndicalisme autrement avec un gouvernement qui fait de la vieille politique. Et à la CSQ, ce n’est pas faute d’essayer!

Éric Gingras
Président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ)