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Conférence d’Amnistie internationale : Silence, on opprime : les campus face aux dérives autoritaires
9 mai 2025
Par Laurent Thivierge, FSAC-CSQ
Cette rencontre exceptionnelle a permis de réunir au Québec des personnalités influentes provenant de différentes sections d’Amnistie internationale à travers le monde, notamment du Mexique, des États-Unis, et du Secrétariat international, afin d’analyser la situation actuelle et de se mobiliser pour la défense des droits humains.
Un triste bilan mondial
D’entrée de jeu, France-Isabelle Langlois, directrice générale d’Amnistie internationale Canada francophone, a planté le décor en rappelant l’urgence dramatique de la situation actuelle. « Le rapport annuel d’Amnistie internationale est le pire depuis 64 ans », a-t-elle affirmé, dénonçant la recrudescence inquiétante des régimes autoritaires et des menaces à la démocratie. Au Québec même, Mme Langlois pointe des dérives inquiétantes telles que l’ingérence croissante dans les cursus académiques et l’usage excessif de la clause dérogatoire pour contourner les chartes québécoise et canadienne des droits.
Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnistie internationale, a dressé un état des lieux tout aussi alarmant à l’échelle internationale. Elle a souligné un paradoxe saisissant : « Ceux qui aujourd’hui sapent le système multilatéral et les institutions internationales sont précisément ceux qui les ont érigés sur les ruines de la Deuxième Guerre mondiale. » Elle met ainsi en garde contre l’effritement dangereux du droit international, accentué par l’émergence de régimes qui ignorent délibérément les normes démocratiques et humanitaires.
Des Amériques aux États-Unis, des constats inquiétants
Ana Piquer Romo, directrice régionale d’Amnistie pour les Amériques, a abondé dans le même sens, affirmant que les pratiques autoritaires se généralisent dangereusement sur tout le continent américain. Les gouvernements multiplient les attaques, visant à la fois les manifestants pacifiques et les institutions essentielles à la vie démocratique telles que les ONG et les universités. À titre d’exemple, elle a cité la situation dramatique au Nicaragua où une douzaine d’universités ont récemment été forcées de fermer leurs portes sous la pression du gouvernement.
La réalité décrite par Edith Olivares, directrice exécutive d’Amnistie internationale Mexique, a ajouté une couche supplémentaire de gravité au bilan global. Le Mexique connaît actuellement une tragédie sans précédent, avec plus de 127 485 personnes portées disparues. Mme Olivares a insisté sur la complicité inquiétante des autorités, affirmant avec force : « Peut-on réellement parler de crise lorsqu’une situation aussi dramatique devient permanente et systémique? »

Aux États-Unis, Paul O’Brien, directeur d’Amnistie internationale États-Unis, a souligné avec inquiétude la détérioration rapide des libertés et du respect du droit sous le second mandat de Donald Trump, arrivé au pouvoir il y a seulement cent jours. Selon lui, la stratégie actuelle de l’administration américaine est claire : normaliser progressivement les violations des principes démocratiques et du droit. Il a illustré ses propos en évoquant l’utilisation controversée de l’Insurrection Act de 1807, permettant le déploiement de l’armée à la frontière américano-mexicaine. « Chaque violation du droit doit avoir un coût, sinon la démocratie s’effondre », a-t-il averti avec gravité.
L’espoir demeure : résistance et mobilisation
Malgré un constat alarmant, les panélistes ont également rappelé que l’espoir subsiste grâce aux nombreuses résistances qui s’organisent partout dans le monde. Agnès Callamard a souligné le rôle crucial joué aujourd’hui par des pays autrefois colonisés, devenus défenseurs acharnés du droit international et des principes démocratiques.
Au Mexique, la résistance historique se poursuit courageusement, particulièrement portée par des femmes qui manifestent avec détermination malgré la violence persistante et les menaces constantes. Edith Olivares a annoncé d’ailleurs que des manifestations d’ampleur nationale étaient prévues le 10 mai prochain dans toutes les grandes villes mexicaines.
Au Chili, Ana Piquer Romo a rappelé l’exemple inspirant des étudiantes et étudiants en droit, qui ont mis leur savoir-faire juridique au service des manifestantes et manifestants victimes d’abus par les autorités, incarnant ainsi une forme de résistance éclairée et organisée.
Enfin, Paul O’Brien a partagé un signe tangible d’espoir : l’augmentation continue du nombre de militantes et militants rejoignant Amnistie internationale chaque mois. Cela montre clairement que la conscience collective face aux dérives autoritaires se renforce.
Cette grande conférence organisée par Amnistie internationale Canada francophone a permis non seulement d’alerter sur les dangers actuels pesant sur les droits humains, mais aussi de rappeler que la résistance collective est à la fois possible et nécessaire. Le message final de cette rencontre est incontestable : face aux dérives autoritaires, résister est aujourd’hui impératif.
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