La crise due à la COVID-19 a mis de l’avant une autre pandémie : celle des fausses nouvelles. « On s’est retrouvé avec un tas de youtubers devenus extrêmement populaires avec la désinformation », mentionnait Pascal Lapointe, rédacteur en chef de l’Agence Science-Presse lors d’une visioconférence organisée par la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) dans le cadre de la Semaine de la presse et des médias en mai 2022. Ces désinformatrices et désinformateurs étaient virtuellement présents avant la pandémie, mais jusque-là ils étaient inconnus. Avec la COVID-19, ils ont trouvé un public et un bon filon à exploiter.

Comprendre les mécanismes de la désinformation

Selon Pascal Lapointe, rares sont celles et ceux qui partagent sur les réseaux sociaux des nouvelles qu’ils trouvent ennuyantes. « On partage les nouvelles qu’on trouve réjouissantes ou scandaleuses, celles qui nous font dire "wow" ou "ouach"! Les désinformateurs savent jouer avec notre naïveté, notre subjectivité, notre idéologie et donc, nos émotions. »

L’actualité fiable et vérifiée est plus nuancée. Elle apporte des bémols, fait voir les deux côtés d’une médaille, fait réfléchir, mais elle ne joue pas nécessairement sur nos cordes sensibles, d’après le rédacteur en chef.

Sur le Web, « on cherche souvent des informations qui renforcent nos croyances. Si on ajoute à cela les algorithmes des plateformes qui nous montrent ce que nous voulons voir, on peut facilement se retrouver dans une chambre d’écho », mentionnait Nicholas De Rosa, journaliste à l’émission Décrypteurs, lors de la même conférence.

Pourquoi les fausses nouvelles existent-elles?

Il y a les fausses nouvelles qui font rire, celles qui rapportent de l’argent et celles qui servent à déstabiliser « l’ennemi ». Chaque catégorie vise donc des objectifs différents.

  • Pour le rire

Depuis la fin des années 1990, les internautes du monde entier ont développé leurs propres sous-cultures et leurs propres définitions de ce qui est drôle. Ce sens de l’humour particulier pousse bien des créatrices et créateurs à redoubler d’ingéniosité pour inventer des rumeurs et de fausses nouvelles dans le but de faire rire leurs communautés. Cela se fait habituellement aux dépens de celles et ceux qu’ils appellent les normies, les personnes qui ne sont pas au fait de la fausse nature de la nouvelle.

Ces pratiques innocentes sur les forums comme Reddit, 4chan et 8kun ont donné lieu, au fil de l’histoire, à plusieurs dérives, dont plusieurs théories du complot comme QAnon, les théories antivaccins, « le grand remplacement » ou encore, les Freemen on the Land, ces plaideurs quérulents qui prétendent pouvoir se soustraire à la loi.

C’est également dans ces confins d’Internet que sont apparus les mèmes. Ces images chargées de sens étaient à l’origine de simples artéfacts culturels partagés par des communautés bien précises et sont devenues de véritables outils de propagande pouvant influencer les réflexions politiques.

  • Pour l’argent

Les fausses nouvelles ou les titres accrocheurs (clickbait) sont une excellente façon de gagner de l’argent rapidement. Beaucoup « d’entrepreneuses et d’entrepreneurs » l’ont compris et ont lancé de véritables machines à attirer des clics et à générer un revenu publicitaire important.

Ayant compris que les émotions fortes poussent à l’action, ces personnes génératrices de contenu tentent de nous manipuler en misant sur nos biais cognitifs et sociaux. Elles comptent sur l’industrie de la publicité pour générer des revenus pouvant aller de quelques milliers à quelques dizaines de millions de dollars par année.

  • Pour déstabiliser l’ennemi

Il existe également de véritables « usines à trolls » mises en place pour utiliser les fausses nouvelles comme véritables armes de guerre économiques ou politiques afin de déstabiliser l’ennemi. Elles s’attaquent au bon fonctionnement des régimes démocratiques ou créent de l’incertitude autour de certaines industries ou compagnies pour en miner le cours de l’action en bourse.

Combattre la désinformation

Selon un sondage Ipsos, un peu moins de 9 personnes sur 10 ont avoué avoir déjà été bernées par une fausse nouvelle. Vous faites partie de celles et ceux qui se sont déjà fait prendre? Il n’y a pas de honte à avoir. Pour éviter cependant de tomber à nouveau dans le piège, certaines vérifications s’imposent.

  • Qui?

Qui a rédigé l’article et de quel média provient-il? La source est-elle crédible? Que dit la section À propos du site? Vérifiez si la personne qui a rédigé le texte est une experte réputée sur le sujet et si les articles de ce média sont assez bien documentés.

  • Quoi?

Est-ce que l’article présente différents points de vue ou s’agit-il plutôt d’un texte d’opinion? Y’a-t-il des sources? Sont-elles fiables et indépendantes? L’article est-il bien écrit ou présente-t-il de nombreuses fautes d’orthographe?

  • Quand?

À quel moment l’article a-t-il été diffusé la première fois? Ce que vous lisez est peut-être une republication. Pour savoir si la date de publication est véridique, vérifiez si la diffusion du texte coïncide avec un évènement particulier de l’actualité.

  • Où?

Blogue, réseau social ou site de média d’information, ce ne sont pas toutes les plateformes qui se valent en termes de qualité de l’information. Certaines sources, comme les sites des grands médias d’information, sont beaucoup plus crédibles que d’autres, par exemple les articles de blogue où l’autrice ou l’auteur est susceptible de donner son opinion.

Regardez bien le nom de domaine (adresse Web). Pour vous berner, certains trolls achètent des noms qui imitent celui du site officiel d’une organisation reconnue (exemple : radio-canada.uk plutôt que radio-canada.ca).

Évitez la propagation!

Une nouvelle diffusée en ligne vous interpelle et suscite en vous une vive émotion? Voici quoi faire :

  1. Restez calme. Rappelez-vous que les fausses nouvelles prennent racine dans les émotions fortes (colère, indignation, tristesse, surprise). Il convient de revenir au calme pour mieux les affronter et de prendre un pas de recul.
  2. Méfiez-vous. En matière de fausses nouvelles, l’adage trop beau pour être vrai prend tout son sens. Les trolls misent sur vos biais cognitifs pour générer des clics.
  3. Ne partagez pas. Dans le doute, abstenez-vous de partager (surtout si vous n’avez pas lu l’article!), même si le texte semble bonifier votre argumentaire.

Votre proche a partagé une fausse nouvelle? Souvenez-vous que les algorithmes des plateformes de diffusion se nourrissent des interactions. Pour éviter de transformer un feu de camp en feu de forêt, ne criez pas publiquement aux fake news. Contactez plutôt la personne en privé pour l’informer de la situation.

Lectures et ressources pour distinguer le vrai du faux

Il existe un très grand nombre de ressources disponibles pour trancher entre le vrai et le faux. Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BANQ) en propose d’ailleurs une liste assez exhaustive sur son site (banq.qc.ca > Services > Fausses nouvelles). Vous y trouverez, par exemple, des sites Web pour la vérification de faits, mais aussi des ressources pédagogiques, des jeux, des tutoriels et des vidéos d’informations.

Le phénomène des mèmes vous intéresse? L’excellent ouvrage Pour que tu mèmes encore publié aux éditions Somme toute le décortique!

Finalement, pour une bonne introduction aux fausses nouvelles, lisez Fake news, l’info qui ne tourne pas rond, un roman graphique publié aux éditions Delcourt.