Il y a de ces bonnes nouvelles qui laissent un goût amer. Pour une 4e année de suite, le gouvernement annonce un surplus surprise. Cette nouvelle devrait nous réjouir, mais nous ne savons que trop qu’elle s’explique par l’incapacité du gouvernement de sortir du mode « compressions » qu’il s’est imposé depuis une décennie.

Non seulement hésite-t-il encore à réinvestir massivement dans les services publics alors qu’il en a clairement les moyens, mais on apprend qu’il n’a même pas dépensé complètement les sommes annoncées pour les services. Ce surplus s’explique par 1,1 G$ de dépenses de moins que prévu !

Le Ministère des Finances publiait aujourd’hui son Rapport mensuel des opérations financières[1] pour avril 2019 et fermait donc avec plus de précision son année financière de 2018-2019. On y apprend que le surplus surprise pour l’année dernière est de 8 milliards de dollars… je vais l’écrire au complet :
8 000 000 000 $... soit 6 G$ de plus que prévu ! On y apprend aussi que ce surplus s’explique autant par la bonne tenue de l’économie québécoise (3 G$) que par le maintien d’un mode de gestion « austéritaire » dans les ministères qui n’ont pas dépensé tout l’argent prévu à leur budget (2 G$).

Un surplus ponctuel ?

J’entends déjà le ministre des Finances appeler à la prudence : « Il s’agit de résultats exceptionnels… cela s’explique par un contexte particulier qu’on ne peut espérer pour les prochaines années… il faut rester prudent… ».

Or, chaque année, depuis 2015, le gouvernement prévoit un budget déficitaire ou équilibré alors que les résultats réels affichent des surplus de quelque 2 milliards de dollars. Ça, c’est sans compter les 8 milliards de dollars de surplus déguisés que le gouvernement avait déjà prévu verser au fonds des générations pour rembourser la dette. Je crois qu’après 4 ans de résultats qui dépassent les attentes, on peut commencer à dire que les surplus ne sont plus une surprise !

Surplus = compressions

Monsieur le Ministre, cette prudence inutile se fait au prix de l’accès à des services publics de qualité et au détriment de nos conditions de travail. Vous dites aux personnes âgées et à leur famille qu’ils doivent patienter, car vous n’avez pas les moyens d’injecter l’argent nécessaire pour embaucher suffisamment de personnel dans les CHSLD… vous avez pourtant dans vos poches les quelque 100 millions de dollars nécessaires. Avec cette somme, vous pourriez même, soyons fous, offrir un 3e bain à nos aînés[2].

Vous dites aux parents de faire preuve de patience avant d’éliminer complètement la modulation des tarifs en services de garde. Pourtant, vous avez amplement les moyens d’éliminer immédiatement cette « taxe-famille » qui ne rapporte qu’un maigre 160 M$ au trésor québécois.

Avec votre collègue Jean-François Roberge, ministre de l’Éducation, vous faites preuve de compassion envers les parents et les enfants qui voient leur école perdre le financement des programmes en lien de l’indice de défavorisation (petit déjeuner, repas à rabais à la cafétéria, aide à l’achat de livres et de matériel scolaire…). On parle pourtant ici que de quelques dizaines de millions de dollars. Une goutte d’eau dans cet océan de surplus !

Face aux parents d’enfants à besoins particuliers ou en difficulté d’apprentissage, vous vous faites rassurants : « patientez, des investissements seront annoncés dans les années à venir… endurez les listes d’attente encore quelques années ! ». Qu’attendez-vous !? Un réel plancher de services dans les écoles ne coûterait que 5 % du surplus découvert ce matin !

Au personnel des hôpitaux et des établissements d’éducation qui sont à bout de souffle, jonglant entre temps supplémentaire obligatoire, surcharge de travail, manque de personnel et lourdeur des exigences bureaucratiques, vous offrez une reconnaissance bien modeste.

Pourquoi ne pas réinjecter tout de suite les quelques centaines de millions de dollars dans les réseaux de la petite enfance, de la santé et des services sociaux et de l’éducation ? Serait-ce que vous attendez la négociation du secteur public pour réinvestir dans la qualité des services ? Encore une fois dans la négociation à venir, allez-vous nous placer devant le choix entre des gains dans l’organisation du travail et des services et l’amélioration de nos conditions de travail ? Vous avez les moyens de faire les deux, et ce dès maintenant !

Et vous ? Vous feriez quoi avec ces surplus ? Pensez-y pendant le long week-end de la Saint-Jean bonne Fête nationale !


[1] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1194959/surplus-quebec-budget-finances-publiques-ministre-eric-girard
[2] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1057027/sante-chsld-bain-barrette-annonce