Il rappelle que, dans les années 1950 à 1980, on a assisté à une massification de l'enseignement, qui était appuyée par un discours important sur la démocratisation de l'éducation. À partir des années 1990, le contexte socioéconomique s'est complètement transformé.

« On entre alors dans ce qu'on a appelé – très mal – la société de la connaissance ou la société de l'information. Dans les faits, on assiste à une polarisation du marché du travail. Il y a une très forte augmentation des emplois demandant un très haut niveau de qualification et, parallèlement, une demande explosive des emplois non qualifiés, essentiellement dans le secteur des services », explique-t-il.

Cette transformation aura des répercussions importantes. « Le discours des années 1950 à 1980 a reculé au profit d'un courant plus économique disant : "Maintenant, ce qui importe, c'est que tout le monde trouve une formation adaptée aux besoins du marché du travail." »

Ainsi, au lieu d'insister sur l'élévation du niveau de formation et de qualification, on insiste sur la flexibilité et l'adaptabilité de la main-d'œuvre. Ce discours est porté par les institutions internationales, comme la Commission européenne, la Banque mondiale, l'Organisation de coopération et de développement économiques et le Fonds monétaire international.

Aujourd'hui, les résultats sont palpables. « Depuis les premières enquêtes internationales PISA1, au début des années 2000, on constate une augmentation des inégalités sociales chez la plupart des membres de l'OCDE, qui se manifestent dans les résultats obtenus dans les compétences en mathématiques et en littératie. »

Nico Hirtt se fait cinglant : « Cette augmentation des inégalités sociales n'est pas un signe du dysfonctionnement de l'école, mais au contraire d'une très bonne adaptation du système éducatif à l'environnement économique et social. C'est très triste à dire, c'en est presque cynique, mais c'est bien ce qui est en train de se passer : la croissance des inégalités sociales à l'école reflète la polarisation du marché du travail auquel l'école tend spontanément à s'adapter ! »


1 Programme international pour le suivi des acquis des élèves.