Pour mener à terme ces travaux, il faut connaitre l’état du parc immobilier, concevoir et planifier les projets, surveiller les chantiers et établir des programmes d’entretien adéquats, en tenant compte des besoins des occupants et des exigences techniques.
Ces tâches présentent des défis que plusieurs membres du personnel de l’éducation relèvent en innovant. Afin d’atteindre leurs objectifs, des commissions scolaires se sont dotées d’une expertise interne en embauchant des ingénieures et ingénieurs, des architectes, et des techniciennes et techniciens en bâtiment. Des enseignantes et enseignants s’engagent aussi parfois dans cette aventure.
Jérémie Harnois1 est ingénieur à la Commission scolaire de la Rivière-du-Nord. Il considère essentiel que son employeur dispose du portrait le plus précis possible de son parc immobilier afin de lui permettre d’établir ses priorités et d’accéder à un financement adéquat du gouvernement.
Pour ce spécialiste en mécanique, la qualité des bâtiments a aussi une influence sur la réussite scolaire. Il importe de créer des milieux de vie où
l’on se préoccupe de la qualité de l’air, de l’éclairage naturel et de la gestion appropriée des espaces.
L’importance du développement durable
Interrogé sur ses motivations au travail, Jérémie Harnois explique que, lorsqu’il entre dans une école, il se demande toujours s’il y enverrait ses propres enfants. Si la réponse est négative, alors il corrige ce qui cloche avec son équipe.
Pour lui, la règle du plus bas soumissionnaire n’est pas nécessairement la meilleure, car il faut tenir compte des dépenses d’entretien futures. « Dans le domaine du bâtiment, il s’avère essentiel de planifier à long terme. Les couts en énergie représentent un facteur majeur à considérer », note-t-il. Voilà pourquoi, dans sa commission scolaire, une quinzaine de projets de chauffage en mode géothermie ont été réalisés.
La prise en compte du développement durable fait partie de sa philosophie de vie. Selon lui, l’école du futur idéale comporte plusieurs caractéristiques : elle utilise le chauffage solaire passif, elle fournit un bon éclairage, elle dispose d’une climatisation, elle récupère les eaux de pluie pour les toilettes et elle offre des espaces verts dans les cours de récréation. « Confort, économie d’énergie et respect de l’environnement ne sont pas incompatibles. Il suffit d’avoir la volonté et les ressources nécessaires », dit-il.
Une conception centrée sur les besoins des usagers
Laetitia Laborde2 est architecte à la Commission scolaire Marie-Victorin depuis six ans. Elle apprécie grandement son autonomie professionnelle. Elle assume la gestion de projets, la conception de plans et devis, la supervision de chantiers, la conception des designs intérieurs, l’aménagement et l’ameublement des espaces. Ses tâches sont diversifiées : c’est l’une des raisons pour lesquelles elle adore son travail.
Cette architecte à l’enthousiasme communicatif accorde une importance centrale à l’écoute des besoins des utilisateurs. « Ma priorité ce sont les enfants, dit-elle. L’amélioration de leur environnement est primordiale. Les études le démontrent : un espace attrayant contribue grandement à stimuler l’éveil de l’enfant et à favoriser l’apprentissage. Nous pouvons concevoir des espaces avec des préoccupations ergonomiques et esthétiques à des couts raisonnables. Il suffit de faire preuve d’imagination. »
Réduire l’empreinte écologique est une préoccupation dans chaque nouvelle construction où sont installés des champs de géothermie. La disposition de la fenestration en fonction de l’ensoleillement contribue aussi à réduire la consommation énergétique, tout comme l’éclairage à DEL. Laetitia Laborde est fière de faire partie d’une équipe qui sait innover et qui s’apprête à construire la première école en structure de bois sur trois niveaux en Amérique du Nord!
« L’école idéale est d’abord et avant tout celle qui répond aux besoins des usagers. Que l’on construise un nouvel établissement ou que l’on rénove une école, comprendre la manière d’enseigner, la composition des classes et les différentes activités scolaires permet de concevoir des espaces et des ameublements adaptés aux nouvelles façons de faire. »
Le fait qu’elle et ses collègues consultent le personnel enseignant, d’entretien et technique, lors de l’élaboration des projets, fait une réelle différence. Contrairement aux projets du privé, pour qui les considérations de l’équipe-école ne sont pas prioritaires, cette collaboration permet de prévoir et d’endiguer à la source les éventuels problèmes d’entretien et d’utilisation des locaux.
Un entretien régulier
La rénovation et l’entretien des écoles revêtent aussi une importance primordiale tant pour s’assurer de la qualité de vie que pour éviter des dépenses inutiles. Un toit qui fuit peut s’avérer très couteux si on n’intervient pas à temps. Voilà une des responsabilités de Mario Girard3, technicien en bâtiment à la Commission scolaire des Rives-du-Saguenay.
Collaborant avec des ingénieurs et des architectes, il s’affaire à l’inspection des toitures, à l’estimation des couts des travaux, à la mise à jour des données physiques des bâtiments et des plans d’évacuation, etc. Il participe aussi à des projets innovants comme la construction d’un gymnase en structure de bois et l’édification de murs récupérateurs de chaleur.
Mario Girard évolue au sein d’une équipe de techniciens qui se partagent leur savoir-faire dans les différents domaines de l’architecture, du chauffage et du génie civil. « Le parc des écoles de la commission scolaire est bien entretenu dans l’ensemble. Nous sommes proactifs. Nous essayons d’anticiper les problèmes. Nous favorisons les produits régionaux et contribuons à de belles réalisations », dit-il fièrement.
Selon lui, l’un des défis est de s’assurer que les travaux sont exécutés dans les temps prévus afin d’éviter toutes perturbations des activités scolaires.
Des économies d’énergie
Des enseignantes et enseignants pilotent aussi des projets avant-gardistes. C’est le cas notamment de Nicolas Busque4, professeur en sciences de Valcourt. Il nourrit le rêve de faire de son établissement la première école secondaire carboneutre au Québec.
Il y a quelques années, il a engagé ses élèves dans une évaluation-calcul des gaz à effet de serre (GES). « On s’est rendu compte qu’on en produisait beaucoup et qu’il fallait les réduire. Des membres de l’équipe-école se sont joints à moi pour mener des actions concrètes. Les élèves ont aussi planté des chênes près de l’école et même à la maison », souligne-t-il. En outre, des étudiantes et étudiants de la maitrise en environnement à l’Université de Sherbrooke ont repris leur étude sur les GES et sont arrivés à des résultats comparables.
Après avoir examiné différentes solutions pour réduire l’empreinte écologique de l’école de l’Odyssée, Nicolas Busque a élaboré, avec l’aide de son père Laurier Busque, un projet de mur solaire passif qui a reçu l’appui de sa commission scolaire et pour lequel il a obtenu une subvention. Le mur est maintenant en fonction, et ses élèves font des évaluations régulières de l’énergie ainsi économisée. Depuis la mise en œuvre du projet, la production de GES a été réduite de cinq tonnes.
« Des parents inscrivent leur enfant à notre école en raison de notre projet éducatif », se réjouit-il. Pour ce fervent défenseur du développement durable, l’école de demain doit former des écocitoyens : des femmes et des hommes qui s’impliquent dans leur communauté avec une sensibilité aux enjeux environnementaux. D’ailleurs, avec l’appui de la direction, des conseillers pédagogiques et de ses collègues, il organisera au printemps prochain un colloque ayant pour thème l’éducation à l’environnement.
Une communauté qui souhaite participer
Richard Bergevin5 reconnait l’engagement exceptionnel de Nicolas Busque. « En Estrie, les gens sont créatifs, observe-t-il. Il y a quelques années, des enseignantes et enseignants bien intentionnés avaient conçu, avec l’aide de bénévoles, des mezzanines dans certaines classes pour créer un coin lecture. Le projet avait connu un grand succès. Toutefois, ces structures ont été démantelées, car elles n’étaient pas conformes au code du bâtiment. Cela a créé des déceptions. »
Il croit que, si des ingénieures et ingénieurs et des architectes avaient été associés au projet dès le départ, ces désagréments auraient sans doute pu être évités.
Richard Bergevin souhaite que les solutions du personnel enseignant soient davantage considérées dans les projets de construction. Il n’a rien contre le fait que des personnes de l’externe suggèrent des idées pour l’école du futur, comme le propose le ministre de l’Éducation avec le projet du Lab-École.
« Si le projet du Lab-École a permis un débat social sur l’importance d’offrir des infrastructures scolaires de qualité, en bon état, cela est positif. Par contre, on devrait davantage prendre en compte les idées novatrices du personnel scolaire, reconnaitre son expertise ainsi que la plus-value d’avoir, dans le réseau scolaire, du personnel spécialisé. L’ensemble des commissions scolaires devrait emprunter cette voie afin de s’assurer de réaliser des projets qui correspondent réellement aux besoins des élèves et de celles et ceux qui contribuent à l’éducation au jour le jour », conclut-il.
1 Jérémie Harnois est membre du Syndicat des professionnelles et professionnels de l’éducation de Laurentides-Lanaudière (SPPELL-CSQ).
2 Mario Girard est membre du Syndicat du personnel de soutien scolaire de Jonquière (CSQ).
4 Nicolas Busque est membre du Syndicat de l’enseignement de l’Estrie (CSQ).
5 Richard Bergevin est président du Syndicat de l’enseignement de l’Estrie (CSQ).