Rachel Sarrasin1 et Danny Fontaine2 sont revenus bouleversés de leur mission de solidarité syndicale au Mexique, organisée par le CISO3. Ils ont constaté les ravages causés par l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), avec la complicité du gouvernement canadien.
Le Mexique qu’ils ont visité n’est pas celui des touristes qui fréquentent les hôtels tout inclus. Au contraire, ils ont croisé des gens dont les terres ont été expropriées par des compagnies minières et dont les champs sont irrigués par une rivière polluée par les produits chimiques provenant des manufactures pour lesquelles ils travaillent.
« Nous avons rencontré des personnes très mobilisées, qui vivent des situations de misère et de violence. Ces personnes se battent avec dignité pour leur survie et la sauvegarde de leur territoire. Elles ne réclament pas d’aide, mais veulent de la solidarité », affirme Rachel Sarrasin.
Danny Fontaine abonde dans le même sens. « Les gens nous disaient : “Si vous voulez nous aider, battez-vous pour améliorer vos droits et vos conditions de vie et de travail chez vous, au Québec, car lorsque vous perdez des acquis, nous nous faisons couper dix fois plus ici.” »
Des conditions de travail épouvantables
Les deux syndicalistes ont notamment visité Tehuacan, dans l’État de Puebla, où ils ont rencontré des travailleuses et travailleurs d’une manufacture de jeans. Il s’agit d’une maquiladora, une entreprise qui bénéficie d’une exonération de droits de douane pour pouvoir produire à moindre coût. Ces maquiladoras se sont multipliées depuis la signature de l’ALENA, permettant aux propriétaires américains ou canadiens d’augmenter leur marge de profit sur le dos des Mexicaines et Mexicains.
« Les conditions de travail sont épouvantables, explique Danny Fontaine. La journée de travail est de huit heures, mais les personnes doivent travailler de dix à douze heures sans rémunération des heures supplémentaires. Si elles arrivent cinq minutes en retard, on leur coupe une demi-journée de salaire. Si elles sont malades une journée, on leur coupe deux jours de salaire. Et les agressions sexuelles sont monnaie courante... »
« De plus, comme plusieurs travailleuses n’ont pas accès à des services de garde, elles amènent leurs enfants à la manufacture, où ils finissent par travailler à la production », ajoute Rachel Sarrasin.
Des syndicats blancs et jaunes
Pire encore, les travailleuses et travailleurs ne peuvent pas compter sur l’aide de leur syndicat pour améliorer leur sort. En effet, la majorité des syndicats au Mexique sont des créatures des employeurs ou inféodés au parti politique au pouvoir, soit le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI).
Il y a bien des syndicats « indépendants », mais la plupart ne portent pas le nom de syndicat. C’est le cas du Front authentique du travail, que les stagiaires du CISO ont rencontré. Mais son existence est en danger, car le gouvernement mexicain veut réformer la loi du travail afin de restreindre la liberté d’association.
Conventions internationales bafouées
Les compagnies minières canadiennes sont très actives dans ce pays, notamment dans la région du Chiapas, où les autochtones luttent pour préserver leurs terres. Ces derniers s’appuient sur la convention 169 de l’Organisation internationale du Travail, qui requiert le consentement libre, préalable et éclairé des populations autochtones.
Or non seulement cette exigence est-elle bafouée, mais les opposantes et opposants sont victimes de violences inimaginables, et ce, en toute impunité. Cette situation s’inscrit dans un climat de violence qui frappe largement la société mexicaine. Au cours des cinq dernières années, plus de 100 000 personnes ont été assassinées ou ont disparu… Des crimes principalement attribués aux paramilitaires, aux forces de l’ordre, aux bandits et aux narcotrafiquants.
Les militantes et militants mexicains n’hésitent pas à dénoncer l’hypocrisie de l’ambassade canadienne. D’un côté, elle annonce en grande pompe les investissements canadiens. De l’autre, elle émet des avertissements aux touristes canadiens afin qu’ils évitent ces zones en raison des violences.
Rachel Sarrasin et Danny Fontaine sont revenus transformés de cette mission et plus convaincus que jamais de la nécessité de la solidarité syndicale internationale.
1 Rachel Sarrasin est présidente du Syndicat des professeurs du Collège Gérald-Godin (SPCGG-CSQ).
2 Danny Fontaine est animateur de vie spirituelle et d’engagement communautaire, et membre du Syndicat du personnel professionnel des commissions scolaires de la région de Québec (SPPREQ-CSQ).
3 Cette mission de solidarité syndicale est une initiative du Centre international de solidarité ouvrière (CISO), à laquelle ont participé dix syndicalistes de la CSQ, de la FTQ, de la FIQ et de la CSN, en décembre 2017.