C’est du moins le souhait du ministère de la Santé et des Services sociaux, si l’on en croit certaines des orientations de son cadre de référence sur le soutien et la réintégration au travail, rendu public en aout dernier.

On peut y lire qu’il importe de « favoriser la participation active de l’employé à sa réintégration au travail ». Le concept y est également bien défini : la personne doit analyser et évaluer sa situation, s’approprier son projet de réintégration au travail et être motivée par l’atteinte des objectifs avec l’employeur!

Bref, vous êtes malade selon votre médecin, mais vous « pétez le feu » selon votre patron! En lieu et place d’un traitement qui devrait, espérons-le, vous remettre sur pied, vous devrez plutôt vous atteler à concevoir et à mettre en place votre projet de réintégration au travail!

Une très mauvaise stratégie

Cette idée émane d’un problème connu : il y a trop de personnes en arrêt de travail. Pourtant, il y a lieu de croire que cet absentéisme est lié directement aux conditions de travail du réseau de la santé, lesquelles se sont détériorées de façon très importante depuis la réforme Barrette.

Sonia Éthier

« Or voilà que l’employeur souhaite régler le problème, non pas à la source, mais en ramenant rapidement au travail le personnel malade. C’est, du moins, le but à peine voilé de ce cadre que les gestionnaires devront mettre en place d’ici décembre 2018, selon une consigne très claire du ministère. Un employé malade ne pourra donc plus consacrer tout son temps à sa seule guérison et à son rétablissement… Il faut le faire! », dénonce Sonia Éthier1.

De solides dérapages en vue

Concrètement, cela signifie qu’à compter de ce moment, les gestionnaires ayant une employée ou un employé malade devront contacter fréquemment cette personne, solliciter sa participation dans l’analyse et l’évaluation de sa situation d’invalidité ainsi que dans l’élaboration de solutions, maintenir des contacts fréquents avec le médecin traitant, etc.

« On est loin d’une période pendant laquelle la personne malade doit se consacrer à la priorité : recouvrer la santé! On passe outre, également, au fait que la relation entre un patient et son médecin doit demeurer sous le strict sceau de la confidentialité. Il est vrai que l’employeur peut avoir un droit de regard sur certains aspects, mais s’immiscer ainsi dans la relation thérapeutique dépasse largement les bornes », poursuit-elle.

Cette stratégie s’insère également dans un nouveau courant de gestion où l’employé est responsable de tout ce qui lui arrive.

« Suivant cette ligne de pensée, s’il est malade, c’est qu’il n’a pas réussi à s’adapter à son nouvel environnement de travail. Bref, ce n’est pas un problème lié à l’organisation du travail, mais bien une incapacité individuelle à se conformer aux nouvelles exigences. La belle affaire! Pourtant, les recherches démontrent que les difficultés vécues en milieu de travail résultent, notamment, d’un manque de ressources et d’une mauvaise organisation du travail. Il n’est jamais question de problèmes individuels », ajoute-t-elle.

L’enfer est pavé de bonnes intentions…

Si le cadre de référence n’augure rien de bon, il renferme néanmoins quelques idées intéressantes, soit de demander l’avis du patient avant de le contacter, de s’assurer que le milieu de travail permet une réintégration réussie au travail après la maladie, de s’assurer de la collaboration de plusieurs acteurs et, même, de rencontrer les membres de l’équipe de travail de la personne malade pour voir à la répartition des tâches. On ne peut guère condamner ces bonnes intentions.

Le problème, c’est que le tout s’inscrit dans une idée générale dont l’objectif est on ne peut plus clair : réduire les couts et tout faire pour ramener le plus vite possible les gens au travail, quitte à écorcher des droits fondamentaux au passage, voire, à la limite, à faire du harcèlement pour y parvenir…

D’ailleurs, avec un tel cadre en main, les gestionnaires pourront prendre les stratégies qui leur conviennent et bâtir leur propre cadre en conséquence. On comprendra que, dans les lieux où l’employeur n’est pas enclin à la collaboration, on assistera à des dérives...

Pour toutes ces raisons, les syndicats de la CSQ poseront les gestes nécessaires, et ce, à tous les niveaux, pour que les droits des personnes en invalidité soient respectés.

« C’est un dossier que nous allons suivre de très près. Notre centrale ne restera pas les bras croisés devant de tels affronts aux droits fondamentaux », conclut la leader syndicale.


1 Sonia Éthier est la première vice-présidente de la CSQ et la responsable politique des dossiers de santé.