L’annonce de l’abolition de trois programmes1 collégiaux existants, et de la création d’un nouveau programme fusionnant plusieurs disciplines de l’administration et axé sur la polyvalence a été accueillie avec émoi dans de nombreux départements.

Bien que la rumeur courait, l’annonce de la suppression des programmes en a surpris et déstabilisé plusieurs. À la fin de ce jeu de chaises musicales, est-ce que toutes et tous auront retrouvé une place? Du côté des professeures et professeurs qui ont fait évoluer ces programmes, des étudiantes et étudiants qui les suivent et des entreprises qui embauchent ces derniers, bien des questions ont aussi été soulevées.

La nouvelle orientation ministérielle mérite de plus amples explications et, en premier lieu, auprès des personnes qui ont fait vivre ces programmes.

Un processus qui n’est pas nouveau

Même si la procédure de révision des programmes collégiaux de formation technique, mise en place par le ministère, n’a rien de nouveau, elle expose crûment le caractère distant et à sens unique de ce mécanisme. Des conséquences humaines et concrètes sont appréhendées, mais elles ne trouvent que peu d’écho dans la démarche en cours.

Une révision accélérée

Le ministère souhaite désormais renouveler les programmes en suivant une cadence accélérée et évoque même la révision « en continu ».

Pourquoi? Parce que le marché de l’emploi se transforme à une vitesse croissante et parce que la pénurie de main-d’œuvre qui sévit à l’heure actuelle met l’adéquation formation-emploi en tête de liste des priorités gouvernementales.

En procédant toutefois ainsi, le gouvernement prend-il le temps d’intégrer et de consulter les principales personnes intéressées?

Line Camerlain

Des améliorations requises

À la suite de nombreuses récriminations, le ministère a décidé de suspendre temporairement l’abolition des trois programmes en administration. La situation a toutefois eu pour effet de révéler certaines des lacunes au sein de la procédure ministérielle de révision : manque d’information concernant les effets sur les personnels, circulation inégale de l’information dans les cégeps et lacunes dans l’analyse de profession réalisée en 2018.

« Nous faisons le constat d’une démarche qui est, à bien des égards, déconnectée de la réalité des professeurs et qui offre peu d’espace de rencontre et de partage, affirme Line Camerlain2. S’il est vrai qu’une poignée de professeurs sont étroitement mêlés au processus et réalisent un important travail de conception, rappelons qu’ils sont tenus à la confidentialité. Leur présence ne peut à elle seule constituer la contribution d’un corps professoral qui souhaite enrichir, par son expertise, ces nécessaires exercices de révision. »


Une implication pertinente et recommandée depuis longtemps

L’implication des professeurs d’enseignement technique dans l’élaboration des programmes est recommandée depuis longtemps.

En février 2002, lors de la conférence de clôture d’un forum sur la formation technique, l’ex-président du Groupe de travail ministériel sur la réforme du curriculum d’études, Paul Inchauspé, disait que « le réseau collégial dispose […] de professeurs d’enseignement technique qui ont un niveau de formation élevé, dont la tâche essentielle est celle de l’enseignement et qui maintiennent des rapports constants avec les secteurs de l’emploi pour lesquels ils forment leurs étudiants. On aurait donc avantage à rechercher l’expertise et le jugement de tels types de professeurs dès les premiers stades de l’élaboration des programmes ».

Un avis du Conseil supérieur de l’éducation recommandait également que le personnel enseignant soit « en mesure de contribuer à l’actualisation des programmes, tant sous l’angle de leur adéquation par rapport à la réalité contemporaine que dans une perspective à plus long terme ».

Par ailleurs, « le personnel enseignant est souvent en relation avec le monde du travail, non seulement en raison des stages, mais aussi parce que les élèves exigent des travaux plus appliqués. C’est là un autre lien avec le marché du travail qui rend les acteurs des collèges aptes à intervenir dans l’élaboration et l’actualisation ministérielles des programmes3 ».


1 Les trois programmes touchés sont Techniques de comptabilité et de gestion (410.B0), Gestion de commerces (410.D0) et Techniques de bureautique (412.A0).
2 Line Camerlain est première vice-présidente de la CSQ et représentante au Comité national des programmes d’études professionnelles et techniques (CNPEPT).
3 QUÉBEC. CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ÉDUCATION (2004). Regard sur les programmes de formation technique et la sanction des études : poursuivre le renouveau au collégial, Avis au ministre de l’Éducation, [En ligne] (mars), 141 p. [cse.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/2020/01/50-0445-AV-regard-programmes-formation-technique-sanction-etudes.pdf].