Le virus de la COVID-19 a causé la fermeture temporaire, en mars 2020, des services éducatifs à la petite enfance. Leur réouverture a nécessité des changements dans les façons de faire des travailleuses et des travailleurs du réseau, qui ont dû revoir, sans préavis, l’ensemble de leurs habitudes. Comment cela se passe-t-il sur le terrain?

CSQ Le Magazine s’est entretenu avec Diane Rufh, responsable en services éducatifs en milieu familial, et Julie Mineault, éducatrice au CPE La Cigale et la Fourmi, afin d’en savoir davantage sur les conséquences concrètes de la pandémie sur leurs façons de fonctionner dans leur milieu de travail.

CSQ Le Magazine : En raison de la pandémie, quels nouveaux défis professionnels avez-vous dû relever?

Julie Mineault (JM) : Pour ma part, ç’a été de m’habituer à travailler avec le masque et la protection oculaire. Maintenir la communication avec les parents s’est également avéré tout un défi, car nous ne pouvions plus les voir. Je devais tout communiquer par écrit! Disons que c’est une autre paire de manches.

De plus, sur le plan du travail d’équipe, nous avons dû nous adapter. En raison du concept de bulle, nous ne pouvons plus jumeler des groupes ni nous réunir en vue d’un diner collectif. Somme toute, j’ai été surprise de constater à quel point l’humain s’adapte rapidement au changement!

Diane Rufh (DR) : Lorsque j’ai rouvert mon service éducatif pour les parents travaillant dans les services essentiels, il a fallu que je réfléchisse à tout ce que j’allais garder ou non. J’ai dû faire un tri planifié. J’ai retiré tout ce qui était difficilement lavable, par exemple les costumes, les couvertures et les toutous. Je dois aussi trouver le temps de tout désinfecter et de tout nettoyer chaque jour. Les enfants mettent leurs mains partout! Je demande aussi aux parents, dans la mesure du possible, de venir chercher leurs enfants plus tôt, car je n’arriverais pas à tout faire.

Selon vous, Diane Rufh, le fait d’avoir un service éducatif à domicile constitue-t-il un avantage ou un désavantage en période de pandémie?

DR : Les deux! Pour ce qui est des avantages, il y a moins d’enfants, donc moins de parents qui se présentent à la porte et moins de contacts humains susceptibles de propager le virus. De plus, comme je suis travailleuse autonome, je contrôle mon milieu! Je désinfecte et nettoie à ma façon.

Ce qui est par contre désavantageux, c’est que les enfants se promènent partout. Je ne peux pas les accrocher sur la corde à linge! Au début, j’essayais de les séparer afin de créer des bulles pour chaque enfant. Mais même avec un tel système, ils trouvent le chemin pour se recoller les uns sur les autres. Ce sont des êtres sociaux! C’est à peine s’ils ne se partagent pas le même popsicle en été!

Diane Rufh

Comment expliquez-vous la COVID-19 aux enfants?

DR : Certains parents des enfants que j’accueille sont des travailleurs des services essentiels. Leurs tout-petits sont donc déjà informés qu’un virus circule. Sinon, c’est très difficile à expliquer. À un moment, j’ai pris un cheveu et je leur ai expliqué que le virus est encore plus petit. Les enfants ont pris des loupes pour mieux comprendre.

JM : Pour ma part, je l’explique comme étant un virus très contagieux, comme un rhume, mais plus dangereux pour certaines personnes. C’est pourquoi il est important de se laver les mains et de respecter la bulle de chacun. Heureusement, les parents font déjà la part des choses!

Quels sont les trucs et les conseils que vous pourriez donner à une nouvelle RSE ou à une nouvelle éducatrice qui rejoint le réseau en ce moment?

DR : Il faut d’abord prendre un bon cappuccino le matin et ensuite savoir mettre ses limites. À la fin de la journée, je suis épuisée! Je me suis donné comme consigne de finir au plus tard à 18 h 30. À cette heure, j’arrête tout et je remets au lendemain ce que je n’ai pas encore terminé en vue de vaquer à mes occupations personnelles!

JM : Je lui conseillerais de ne surtout pas minimiser l’importance d’être organisée! Il faut prévoir les activités et les moments de désinfection, car cette nouvelle tâche s’ajoute à ce que nous avons à faire. Aussi, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide à notre équipe.

Comment est-ce que vos tout-petits vivent cette période tourmentée?

DR : Ce contexte sanitaire n’est pas facile pour les enfants. Ils ne peuvent plus utiliser les instruments de musique. Ils savent qu’ils ne pourront pas enfiler les costumes d’Halloween. Ils s’ennuient de certains jouets.

C’est encore plus difficile pour les enfants âgés de 1 à 3 ans, car ils sont en plein développement de leurs habiletés langagières. Alors, quand je porte le masque, ils ne sont plus capables de lire sur mes lèvres. Ce sont des petits observateurs à cet âge.

Ils n’ont quand même pas l’air de trop s’en faire. Les enfants s’adaptent mieux que l’on pense.

JM : De mon côté, au CPE, je m’occupe du groupe des 4 ans. Il faut dire qu’ils comprennent bien les consignes. Les changements se sont donc facilement incorporés à leur routine habituelle. Je dirais, moi aussi, que c’est plus complexe avec les plus petits, qui ont parfois de la difficulté à respecter le concept de bulle et la division des espaces.

Julie Mineault

Qu’est-ce que vous preniez pour acquis avant l’arrivée du virus que vous allez davantage apprécier une fois la pandémie terminée?

DR : Aller au parc et jouer à l’extérieur! On l’évite maintenant parce qu’on sait que les jeux ne sont pas désinfectés systématiquement. Les sorties éducatives, comme aller à la cabane à sucre, cueillir des pommes ou des citrouilles! J’ai hâte de ne pas avoir peur de toucher quelqu’un, un chat, un chien, et surtout, de donner des câlins!

JM : Sans aucun doute, le contact avec les parents pour la communication et les échanges! C’est primordial si je veux bien préparer leurs enfants en vue de la grande école.

Allez-vous conserver, dans votre routine, certaines pratiques sanitaires une fois la pandémie terminée?

DR : Absolument. Dans le passé, quand je changeais les couches des enfants, je remplaçais mes gants entre chaque bambin. Aujourd’hui, non seulement je remplace mes gants, mais en plus je me lave les mains! Aussi, les enfants et les parents ont maintenant l’habitude de se laver les mains dès leur arrivée! C’est une habitude que je souhaite conserver parce que ça ne peut être que bénéfique.

JM : Les enfants apprennent l’importance de se laver les mains et de maintenir une bonne hygiène. Ça ne peut que réduire la transmission des rhumes et des grippes.

Quelle est l’anecdote la plus amusante que vous avez vécue avec un ou des enfants depuis le début de la pandémie?

DR : Après l’utilisation des matelas, les enfants rangent leur literie dans leur casier. De mon côté, je vaporise les matelas pour les désinfecter avant de les ranger. Il m’est arrivé à quelques reprises d’oublier, et disons que les enfants me ramènent rapidement à l’ordre. Je m’efforce de faire en sorte que cela ne m’arrive pas trop souvent!

JM : Un enfant est arrivé un jour en me disant : « Julie, tu vas être fâchée, j’ai brisé une pouliche par accident! » Je lui ai répondu que j’étais déçue, mais que ce sont des choses qui arrivent. La petite a alors rétorqué : « Julie, avec ton masque, je ne vois pas, es-tu fâchée, oui ou non? »