Les nombreux drames humains et tous les rapports d’enquête1 ont révélé avec force les multiples lacunes du Québec dans sa capacité à faire face à une crise sanitaire mondiale. Les constats des derniers mois sont accablants.

Le gouvernement du Québec avait baissé les bras depuis plusieurs années. Malgré les signaux d’alarme, ses dépenses en santé publique par personne diminuaient depuis 2010. En 2019, le Québec dépensait 3 fois moins par habitant (150 $) que la moyenne canadienne (384 $), un déficit d’investissement représentant 2 milliards de dollars2.

Avec stupéfaction, nous avons constaté plusieurs entorses aux règles fondamentales de la gestion des risques : le non-respect du principe de précaution, notamment dans le dossier de la ventilation et du port des masques N­95, des mesures de prévention et de contrôle des infections déficientes, des équipements de protection individuelle insuffisants et inaccessibles, le manque de transparence et de collaboration avec les acteurs des différents milieux concernés, etc.

Les structures décisionnelles très éloignées des milieux de pratique, qui ont induit des délais d’intervention trop longs et, dans certains cas, une incompréhension des besoins et des directives, sont également pointées du doigt. Sans parler du manque d’indépendance et de transparence du directeur national de santé publique.

Au cœur des priorités

Dans son rapport final sur la performance des soins et services aux ainés pendant la première vague de la pandémie3, la commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay, est affirmative : la santé publique doit être placée au cœur des priorités du ministère de la Santé et des Services sociaux.

La commissaire formule de nombreuses recommandations, dont l’élaboration d’une stratégie nationale intégrée de préparation aux risques sanitaires et aux maladies infectieuses; la conception d’un plan de gestion de crise dans lequel la « chaine de commandement » sera bien définie, c’est-à-dire les responsabilités, les rôles et les fonctions de l’ensemble des acteurs; des ressources humaines, informationnelles et financières à la hauteur des besoins et des résultats visés; et le développement d’une culture de transparence en matière de politiques et décisions relatives à la santé des populations.

Pourtant la transparence est l’un des principes directeurs de la gestion des risques reconnus depuis 2003!

Des plans d’intervention de proximité

Gérer dans l’urgence, et à la pièce, une crise sanitaire d’une telle envergure n’est plus une option. Bien sûr, la commissaire propose plusieurs mesures concrètes pour améliorer la capacité d’intervention du Québec : un mécanisme de vigie pour l’analyse des risques en continu, la création d’une cellule de gestion de crise au sein du ministère, un processus décisionnel d’urgence, l’élaboration et la mise en application de normes nationales en matière de prévention et de contrôle des infections dans tous les milieux sous la responsabilité du ministère. C’est bien!

Or notre meilleure protection sera toujours la prévention. « Nous voulons que le gouvernement rétablisse localement, et pour chacune des installations de notre réseau, des plans d’action en santé publique qui seront élaborés, mis en œuvre, évalués et mis à jour régulièrement par les parties concernées, dont les travailleuses et les travailleurs qui connaissent très bien les lacunes, les besoins et les défis de leurs milieux », rappelle la présidente de la Fédération de la Santé du Québec (FSQ-CSQ), Isabelle Dumaine. C’est ce que prévoyait déjà l’article 14 de la Loi sur la santé publique, qui a été abrogé par la réforme Barrette!

« La planification de proximité et la rapidité d’action seront nos meilleures protections lors des prochaines crises sanitaires. »
-Luc Beauregard, secrétaire-trésorier et responsable politique de la santé à la CSQ

Dépolitiser la santé publique

« Il faut dépolitiser la santé publique au plus vite, affirme Luc Beauregard, secrétaire-trésorier et responsable politique de la santé à la CSQ. Ces décisions mettent en jeu des vies, elles doivent être prises sur la base d’analyses scientifiques et sans considérations stratégiques. Concrètement, le gouvernement doit redonner aux communautés et aux milieux de soins, notamment, les leviers décisionnels et les ressources qui leur permettront d’agir rapidement et d’assurer leur sécurité. La planification de proximité et la rapidité d’action seront nos meilleures protections lors des prochaines crises sanitaires. »


1 Enquêtes réalisées par des coroners dans les CHSLD, par la protectrice du citoyen et par la commissaire à la santé et au bien-être.
2 INSTITUT CANADIEN D’INFORMATION SUR LA SANTÉ (2019).
3 COMMISSAIRE À LA SANTÉ ET AU BIEN-ÊTRE (2022). Le devoir de faire autrementPARTIE 1 : Renforcer le rôle stratégique de la santé publique, 100 p.