Le milieu collégial offre une pratique très riche, selon Andrée-Anne Provençal, psychologue au cégep de Baie-Comeau depuis sept ans. « Nous contribuons à la réussite éducative des étudiants. Il n’y a rien de plus gratifiant que d’aider un jeune à aller mieux et à ne pas décrocher », affirme-t-elle.

Même si ce travail est fort stimulant, plusieurs obstacles se dressent et diminuent l’attraction envers cette profession, dont le salaire. « Il y a un grand roulement de personnel, de nombreux psychologues quittent le secteur public pour exercer au privé, où la rémunération est plus élevée », explique-t-elle.

Selon un sondage mené en 2020 par l’Association des psychologues du Québec (APQ) et la Coalition des psychologues du réseau public québécois (CPRPQ), l’écart salarial serait d’au moins 27,3 % entre les psychologues du secteur public et ceux du privé.

Même au sein du réseau public, les psychologues du collégial ne sont pas sur un pied d’égalité avec leurs collègues. Ils sont en effet les seuls à ne pas avoir droit à la prime d’attraction et de rétention de la main-d’œuvre de 9,6 % qui est accordée à celles et ceux qui travaillent au primaire et au secondaire ou dans le réseau de la santé.

« Le salaire à l’entrée n’est pas non plus intéressant pour quelqu’un qui a étudié jusqu’au doctorat », souligne la psychologue. Selon la CPRPQ, en 2020, l’échelle salariale pour un poste de psychologue dans le réseau public variait entre 26,43 $ et 49,82 $, loin derrière d’autres professions qui exigent le même nombre d’années d’études.

Faire avancer les choses

Pour mieux faire reconnaitre le travail des psychologues au collégial, la Fédération du personnel professionnel des collèges (FPPC-CSQ) a obtenu du gouvernement la mise sur pied d’un comité interronde, notamment pour que les psychologues membres du syndicat aient aussi accès à cette prime de 9,6 %.

Parce qu’elle souhaite contribuer à l’avancement des choses, Andrée-Anne Provençal siège à ce comité qui, dans un premier temps, travaille à dresser un portrait de la pénurie de psychologues dans les cégeps. Les données manquent actuellement pour tracer un juste état de la situation. Selon elle, la prime serait un bon premier pas qui aiderait à attirer davantage de psychologues.

Ruptures de services

Vu la rareté des ressources, les services en psychologie varient d’un établissement collégial à l’autre. Il n’est pas rare qu’une personne occupe deux chaises.

À ses débuts au cégep de Baie-Comeau, Andrée-Anne Provençal a elle-même partagé son temps entre les services adaptés ‒ qui répondent aux besoins des étudiants ayant une limitation diagnostiquée comme des troubles d’apprentissage ou une déficience physique ‒ et sa tâche de psychologue.

Dans d’autres cégeps, la professionnelle ou le professionnel peut être épaulé par une ou un autre psychologue à temps partiel seulement. Une situation qui n’est pas idéale puisque cela fragilise les équipes d’intervenants. Il y a aussi des cégeps, surtout ceux éloignés des grands centres, qui n’emploient pas de psychologue. « Les services aux étudiants sont alors offerts par d’autres spécialistes, notamment des travailleurs sociaux. »

Il reste que seuls les psychologues (et les médecins) peuvent procéder à l’évaluation des troubles mentaux et au traitement en psychothérapie, qui sont des actes réservés. Considérant que le délai pour consulter au privé et au public varie en moyenne de six mois à deux ans, de nombreux jeunes n’ont donc pas accès au service dont ils ont besoin. Et c’est encore plus vrai en contexte pandémique, alors que la crise a décuplé les besoins.

Des demandes qui explosent

« Nous n’avons jamais eu autant de demandes de consultation que lors de la dernière session d’automne, révèle Andrée-Anne Provençal. Nous en avons eu 80 sur une population de 600 étudiants, alors qu’habituellement, nous en avons une cinquantaine. Pour la première fois, nous avons dû créer une liste d’attente, ce qui est loin d’être idéal. »

Dépressions, troubles anxieux, troubles de la personnalité… En plus d’être croissants, les problèmes de santé mentale sont aussi plus importants. Pour épauler sa psychologue, le cégep de Baie-Comeau a récemment décidé d’embaucher une personne supplémentaire. « Nous avons reçu des candidatures de psychothérapeutes et de travailleurs sociaux, mais aucun psychologue n’a postulé, constate-t-elle à regret. Nous allons donc embaucher une personne d’un autre corps professionnel. »

Cette aide sera tout de même plus que bienvenue même si certaines tâches resteront la prérogative d’Andrée-Anne Provençal.