Comment les différencier et quand les appliquer

La prestation de travail d’une personne salariée peut parfois s’avérer problématique. L’employeur peut alors lui imposer une mesure disciplinaire ou une mesure administrative. Dans les deux cas, le but est de corriger la situation et de favoriser un retour à la normale.

Cet aide-mémoire vous aidera à mieux comprendre la différence entre les deux mesures et à prendre des décisions éclairées. Pour tout renseignement supplémentaire, n’hésitez pas à contacter un membre de l’équipe juridique de la CSQ.

Quelle est la différence entre une mesure disciplinaire et une mesure administrative?

Mesures disciplinaires Mesures administratives
 

>    Les mesures disciplinaires visent à corriger un comportement volontaire jugé problématique.

 

 

>    Les mesures administratives ciblent un comportement involontaire jugé problématique.

 

 

Exemples de comportements volontaires pouvant faire l’objet d’une mesure disciplinaire :

 

>        Impolitesse, propos déplacés, critique injustifiée;

>        Absences ou retards injustifiés, vol de temps;

>        Vol, vandalisme, utilisation inappropriée des biens de l’employeur;

>        Insubordination, attitude envers les supérieurs, refus d’exécuter une tâche.

 

Exemples de comportements involontaires pouvant faire l’objet d’une mesure administrative :

 

>        Absence ou incapacité à fournir la prestation de travail (incarcération, invalidité, etc.);

>        Dépendances (toxicomanie, alcoolisme, jeu pathologique, cyberdépendance, etc.);

>        Incompétence ou incapacité à travailler dans le cadre de l’entreprise;

>        Perte du permis de travail.

 

>    Les mesures disciplinaires doivent être imposées graduellement afin de laisser le temps à la personne salariée de modifier son comportement. C’est ce qu’on appelle la « gradation des sanctions ».

 

 

>    Les mesures administratives peuvent être imposées lorsqu’une personne salariée, pour un motif indépendant de sa volonté, n’est pas en mesure de fournir normalement sa prestation de travail. Il n’est donc pas vraiment question d’une sanction, mais bien d’une mesure prise par l’employeur pour inciter la personne salariée à respecter son contrat de travail.

 

 

 

Quelles règles l’employeur doit-il respecter?

Mesures disciplinaires Mesures administratives

 

 

Sauf dans le cas d’un avis verbal, l’employeur doit :

 

>        Convoquer la personne salariée à une rencontre avec lui.

À noter : certaines conventions prévoient un délai de convocation de 48 heures.

>        Permettre à la personne salariée d’être accompagnée d’une représentante ou d’un représentant syndical.

>        Remettre un avis écrit, habituellement dans les cinq jours suivant la rencontre, confirmant la mesure et y indiquant soit les faits et les motifs, soit les motifs seulement.

À noter : certaines conventions prévoient que la mesure doit être imposée dans les 30 jours de la connaissance des faits.

 

 

>        L’employeur n’est généralement pas tenu de convoquer la personne salariée à l’avance ni de permettre la présence d’une représentante ou d’un représentant syndical.

>        L’employeur n’est pas tenu de remettre un avis par écrit, bien qu’il soit généralement à son avantage de le faire.

>        L’employeur n’est lié par aucun délai pour imposer une mesure administrative, bien que le caractère raisonnable de ce délai, si celui-ci est abusif, puisse être contesté en arbitrage.

 

 

 

Quelles sont les obligations de l’employeur dans l’application des mesures?

Mesures disciplinaires
L’employeur doit appliquer la gradation des sanctions et, le cas échéant, suivre la progression prévue à la convention collective. Le principe de la gradation des sanctions ne s’applique généralement qu’en présence de fautes de même nature et a pour but de conscientiser la personne salariée à l’importance de corriger son comportement.

L’employeur ne devra pas respecter la progression dans les cas de faute extrêmement grave (exemple : violence) ou en présence d’un évènement culminant.

Mesures administratives
La jurisprudence a établi les éléments devant se retrouver dans la démarche de l’employeur pour que celle-ci soit jugée valide par les arbitres ou les tribunaux. L’objectif est encore une fois de permettre à la personne salariée de prendre connaissance de ses lacunes et d’y remédier, avec le soutien de son employeur.

 

Selon la nature du motif qui sous-tend la mesure administrative, certains autres concepts, dont en voici les principaux, doivent être compris.

Invalidité

  • Les conventions collectives du secteur public prévoient une période de maintien du lien d’emploi (généralement de 36 mois) lors d’une absence pour invalidité.
  • Au cours de cette période, l’employeur peut vérifier le motif de l’absence ainsi que la nature et la durée de l’invalidité, notamment en demandant une expertise.
  • L’employeur a l’obligation d’accommoder une personne salariée qui présente des limitations l’empêchant de reprendre son poste.

 

Dépendances (toxicomanie, alcoolisme, jeu pathologique, cyberdépendance, etc.)

  • L’employeur doit quand même accommoder la personne salariée, notamment en octroyant une période de congé lui permettant de suivre une cure fermée.
  • L’employeur peut, dans certaines circonstances, imposer des tests aléatoires de dépistage lorsque la personne salariée a un problème connu de dépendance.
  • Il faut porter attention aux politiques mises en place par l’employeur quant à l’obligation de dénoncer sa dépendance : Stewart c. Elk Valley Coal Corp., 2017 CSC 30.

Accusations criminelles – Déclaration de culpabilité à une infraction

  • Lorsqu’une accusation criminelle est déposée contre une personne salariée pour un acte commis dans le cadre de ses fonctions, l’employeur procèdera généralement à une suspension administrative :
    1. sans solde si les accusations et les modalités de remise en liberté empêchent la personne salariée d’être présente sur son lieu de travail;
    2. avec solde si elle est pour fins d’enquête;
  • pour un délai raisonnable et ne pouvant dépasser ce qui est nécessaire pour assurer la protection de l’employeur.
  • Un acquittement n’empêchera pas nécessairement l’employeur de congédier une personne salariée pour les mêmes faits, puisque le fardeau de la preuve n’est pas le même.

Incompétence

 

  • L’employeur doit aviser la personne salariée de ses lacunes et des attentes à son endroit.
  • L’employeur doit mettre en place des mesures de soutien afin de permettre à la personne salariée de corriger ses lacunes.
  • L’employeur doit permettre à la personne salariée de bénéficier d’un délai raisonnable pour s’améliorer.
  • L’employeur doit aviser la personne salariée qu’à défaut de corriger les lacunes signalées et de répondre à ses attentes, la relation d’emploi sera en jeu.

Pour connaître les critères applicables, voir Costco Wholesale Canada Ltd. c. Laplante, 2005 QCCA 788.

 

Nature et gradation des sanctions

 

Mesure Nature Commentaire
Disciplinaire Administrative
Avis verbal X X La qualification de la mesure dépend du sujet de celle-ci.
Avis écrit/attentes signifiées

Réprimande

X X Attention : ce n’est pas le titre donné qui est déterminant, mais bien la nature des faits reprochés.
Plan de redressement ou suivi administratif X La durée et la fréquence du suivi doivent être raisonnables, tout en permettant à la personne salariée d’apporter les correctifs demandés aux lacunes signifiées par l’employeur.
Suspension sans solde de courte durée (1 à 3 jours) X Il s’agit de la suspension la moins sévère. Elle signale que la gradation s’intensifie.
Suspension sans solde de moyenne durée (3 à 10 jours) X Elle pourrait être d’une durée différente selon la gravité de la situation.
Suspension sans solde de longue durée (plus de 10 jours) X Elle pourrait être d’une durée différente selon la gravité de la situation.
Suspension sans solde de très longue durée (plus de 60 jours) X Elle est rarement imposée en l’absence d’une longue gradation ou d’une faute très grave. Elle est parfois imposée par les arbitres en remplacement d’un congédiement afin de signaler à la personne salariée qu’il s’agit de sa dernière chance de se corriger.
Suspension avec solde X X Elle est habituellement appliquée durant une enquête et doit être d’une durée raisonnable. L’employeur doit généralement prendre une décision à l’expiration de cette suspension.
Congédiement/fin d’emploi X X

 

Quels sont les pouvoirs de l’arbitre?

Les pouvoirs de l’arbitre sont prévus à l’article 100.12 du Code du travail, auxquels s’ajoutent parfois des dispositions de la convention collective. L’étendue du pouvoir de l’arbitre varie selon qu’il s’agit d’une sanction disciplinaire ou administrative.

Mesures disciplinaires

 

Mesures administratives

 

Dans ces dossiers, l’arbitre :>        Peut confirmer la mesure disciplinaire;

>        Peut modifier la mesure disciplinaire (par exemple, remplacer le congédiement par une suspension);

>        Peut annuler la mesure disciplinaire. Il peut bien entendu rendre toute autre ordonnance, notamment pour ce qui est des dommages moraux et exemplaires;

>        Sera lié par une gradation des sanctions impérative lorsque les parties à la convention collective ont prévu ce type de mesure.

 

 

>     L’arbitre a beaucoup moins de latitude lorsqu’il doit décider de la justesse d’une mesure administrative.

>     L’arbitre ne peut que confirmer ou annuler la mesure et ne peut rendre une décision mitoyenne. Pour prendre cette décision, il devra tout d’abord évaluer si l’employeur a agi pour des motifs réels et non un prétexte.

>     L’arbitre devra ensuite vérifier si la mesure est raisonnable, non discriminatoire et faite de bonne foi.

 

 

Qu’en est-il de l’amnistie?

Mesures disciplinaires

 

Mesures administratives

 

 

>    Les avis écrits deviennent généralement caducs et doivent être retirés du dossier après une période variant de quelques semaines à une année.

>    Ce délai est précisé à la convention collective. Cela signifie que cette mesure ne peut plus être utilisée par l’employeur dans la progression des sanctions.

 

 

>    Les mesures administratives peuvent demeurer indéfiniment au dossier de la personne salariée.

>    Les mesures administratives ne devront être retirées du dossier que si un arbitre les déclare invalides.

 

 

Vous souhaitez en savoir plus sur les mesures disciplinaires ou administratives?

Tant la qualification des mesures que la gradation des sanctions appropriées dépendent des faits propres à chaque dossier. Il est donc particulièrement important qu’une enquête approfondie soit effectuée avant que la mesure puisse être correctement qualifiée.

N’hésitez pas à nous contacter : nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions ou de vous soutenir dans vos démarches!

Nature et gradation des sanctions

 

Mesure Nature Commentaire
Disciplinaire Administrative
Avis verbal X X La qualification de la mesure dépend du sujet de celle-ci.
Avis écrit/attentes signifiées

Réprimande

X X Attention : ce n’est pas le titre donné qui est déterminant, mais bien la nature des faits reprochés.
Plan de redressement ou suivi administratif X La durée et la fréquence du suivi doivent être raisonnables, tout en permettant à la personne salariée d’apporter les correctifs demandés aux lacunes signifiées par l’employeur.
Suspension sans solde de courte durée (1 à 3 jours) X Il s’agit de la suspension la moins sévère. Elle signale que la gradation s’intensifie.
Suspension sans solde de moyenne durée (3 à 10 jours) X Elle pourrait être d’une durée différente selon la gravité de la situation.
Suspension sans solde de longue durée (plus de 10 jours) X Elle pourrait être d’une durée différente selon la gravité de la situation.
Suspension sans solde de très longue durée (plus de 60 jours) X Elle est rarement imposée en l’absence d’une longue gradation ou d’une faute très grave. Elle est parfois imposée par les arbitres en remplacement d’un congédiement afin de signaler à la personne salariée qu’il s’agit de sa dernière chance de se corriger.
Suspension avec solde X X Elle est habituellement appliquée durant une enquête et doit être d’une durée raisonnable. L’employeur doit généralement prendre une décision à l’expiration de cette suspension.
Congédiement/fin d’emploi X X